Un teen soap drama dans le petit monde bourgeois de New-York, adaptation d’une œuvre issue de la chick lit’. Décrit ainsi, Gossip Girl n’allait intéresser (presque) personne. Et le show ne se limite pas à ce seul écueil potentiel. Introduction d’un outsider du peuple d’en bas dans ce milieu fermé pour orchestrer le choc des valeurs attendues. Un adolescent beau gosse, intelligent, accompagné d’une sœur plus jeune, wannabe féroce. L’idée même semble être un suicide artistique. Le petit miracle tient en un nom : Josh Schwartz. Producteur exécutif ou showrunner derrière des séries comme The OC (aka Newport Beach en vf) ou Chuck. L’homme parvient, grâce à un talent déjà éprouvé sur The OC à transcender l’œuvre originale de Cecliy von Ziegesar et le teen soap.
Dans ce microcosme luxueux et scintillant, on suit les romances d’une poignée de nantis. Ils incarnent chacun une facette particulière que l’on se fait du petit bourgeois. De la poupée/peste pourrie gâtée (Blaire Waldorf) au jeune prodige (Nathaniel Archibald), de la sulfureuse diva en quête de rédemption (Serena Van Der Woodsen) à l’héritier pervers et manipulateur (Chuck Bass). En découvrant ainsi ces portraits, on pense à la relecture des Liaisons Dangereuses de Cruel Intentions. Blaire en Kathryn Merteuil et Chuck en Sebastian Valmont. Même usage du sexe et de la séduction comme arme. Même relation ambigüe. Dans un univers tout aussi opulent, mais en plus moderne, donc délurée, tape à l’œil.
Le show s’applique à rejouer les grandes et épiques tragédies à l’échelle de cet adolescent huppé new-yorkais. Aveugle du monde extérieur, sauf quand celui-ci tend à le rattraper. Ici, tout le monde affiche un masque. Attendu, promis, dans une conformité communautaire qui pratique le culte de l’apparence comme une religion. La série use de cette imagerie convenue, non pour la déconstruire, mais pour y jouer avec, comme un chat avec une pelote de laine. Il s’agit d’appliquer un regard amusé, mais jamais moqueur. Comprendre que même les riches ont leurs problèmes et le droit d’être malheureux. Que naître avec une cuillère d’argent dans la bouche, ne va pas mener à la parfaite existence. Et que cette liberté toute permissive faite d’absentéisme parentale n’est qu’une illusion orchestrée par ces derniers, qui conçoivent leur progéniture comme des marionnettes dont ils ont déjà tracé leur futur. Le pouvoir et l’argent étouffent autant qu’ils permettent, et libèrent moins souvent qu’ils conditionnent.
Le spectacle proposé est souvent pathétique, fait de petits coups bas et autres humiliations publiques. Se dégage un souffle destructeur incarné par les deux plus grandes personnalités du show : Blaire et Chuck. Le couple exprime toutes les qualités que l’on trouve à Gossip Girl. Bitchy, féroce, où la vulgarité s’exprime avec la classe d’une noblesse dépravée. Ils vivent dans une forme de théâtralité constante, à la mise en scène élaborée, dans le rôle de leur vie. Pourfendeurs de modes, instigateurs des pires méfaits, ils représentent la nature même du show. Et transforment ce mouvement pathétique surréaliste en un spectacle jouissif et ludique. L’intérêt de Gossip Girl tient en cette fragile équation.
Gossip Girl, c’est d’abord une voix. Celle de Kristen Bell. L’icône, à jamais Veronica Mars dans l’inconscient collectif. On la retrouve (faible récompense), génie du complot, dévoilant les coulisses. Une Vox Populi. Mais restreint au petit monde de l’Upper East Side et Constance/St Jude, son école huppée. Gossip Girl, le blog des ragots. Créations de mode, outil d’influence, suppression de réputation. L’arme absolue. Tenue par une inconnue, et dont on ne saura jamais rien. Parce que qui se cache derrière ce blog n’intéresse personne. C’est ce qu’il diffuse qui accapare toute l’attention. Car qui alimente le blog ? Les victimes/bourreaux/témoins eux-mêmes. La voix n’est que l’intermédiaire. Un outil de propagande.
Ce qui intéresse dans Gossip Girl ne sont pas les romances interchangeables d’une poignée d’adolescents ou un quelconque discours social (ce que les auteurs évacuent rapidement), mais les tentatives de mise à mort de la réputation. Si à travers tous ces signes extérieurs de richesse et ce ton superficiel, dédaignant et snob pouvaient rendre la série détestable, Josh Schwartz manipule ces ingrédients comme un alchimiste pour les transformer en un spectacle de gladiateurs. La mode – et Gossip Girl est devenu un vecteur des nouvelles tendances du prêt-à-porter – a remplacé les armures et les téléphones portables, les épées
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