Impossible de ne pas mettre cet épisode en relation avec le précédent. Dans Baggage, on retrouvait House chez son psychiatre (Andre Braugher). Parallèle entre le cas de la semaine et celui de House. On pouvait apprécier la joute verbale entre les deux hommes. Crypto-dialogue, manipulation du flash-back, interrogation sur la nature des évènements, avec toujours ce léger soupçon sur la véracité des propos tenus (House raconte). L’épisode concluait l’arc narratif entamé en début de saison sur une porte qui claque et un sentiment d’abandon ou d’échec. La quête du bonheur de House s’achevait dans la douleur et la résignation.
Par essence, Help Me est un épisode très programmatique. Il impose une série d’évènements chargés de dénuder House, de le placer devant sa fragilité, son inconfort, ses limites. Moins entreprise de démolition que le season finale de l’an passé, l’épisode tend vers une humanisation du personnage. L’émotion au centre de l’échiquier. Pour Cuddy, le traumatisme de sa jambe, son addiction, son métier. Déconstruction pragmatique de ses excès, on découvre un House raisonnable. Il encaisse, il abdique. Il subit. A ce titre, l’épisode fait écho au season premiere. On appréciera la relation entre les deux épisodes, cette communication des deux pôles en charge de conclure ( ?) une évolution majeure du personnage.
A cette grue qui s’effondre, au chaos ambiant ne cessera de répondre un House en chantier permanent. Travaille sur la reconstruction (émotive et psychologique) dans un geste altruiste (un cadeau) et intéressé (pêche à l’information). La frontalité du don, sa simplicité quasi enfantine imposera au docteur sa position de repli permanent. En effectuant ce premier pas, il se pose en « victime potentielle » d’une décision dont il ne maîtrise pas le contexte. Tout l’intérêt de l’épisode (et par extension du travail sur la (re)construction du personnage) réside dans cette inversion des pouvoirs dominants (Cuddy possède la main, House reste dans l’expectative). Jusqu’au cas médical, dont on ne peut s’empêcher de penser qu’il lui échappe un peu, aveuglé par ses propres traumatismes.
Au gigantisme de la situation, Shore préférera la claustrophobie des décombres. Si l’on pouvait craindre pour House (risque d’effondrement et juste avant, hallucination auditive), les scénaristes vont utiliser une jeune femme pour cristalliser tous les démons du diagnosticien. Menace d’amputation de la jambe, rapprochement émotionnel, discorde professionnelle et personnelle, la femme devient le vecteur des enjeux en cours et assume la part programmatique de l’épisode. S’opère un théâtre dont le minimalisme formel sert une intensité dramatique permanente. Paroxysme atteint en deux temps, deux endroits : Le cruel monologue de Cuddy laisse House sans voix, face à ses sentiments, son attitude ; face à Foreman, où la résignation l’emporte, la frustration devant l’échec (ses échecs). On devine aisément la suite directe, elle nous a été dévoilée en prélude.
Depuis Alias, qui a fait du procédé son gimmick, on goûte régulièrement à cet artifice narratif qui consiste à montrer une séquence en flash-forward afin de teaser l’épisode. On ne peut s’empêcher de trouver l’exercice futile aujourd’hui, quand, dans 99% des cas, il n’apporte rien de concret. Help Me pourrait rentrer dans cette catégorie s’il n’y avait pas son personnage-titre si ambigüe capable de corrompre la nature des images. Quand l’épisode débute, on découvre un House, assis sur le sol de sa salle de bain, avec du Vicodin dans une main, prêt à replonger. Motif de la séquence : instaurer un suspense émotionnel auprès du spectateur, avec cette crainte de voir le personnage replonger. On éprouve de la peur et de la colère, d’observer ainsi House rattrapé par ses vieux démons, son addiction. Arrivé presque au terme de l’épisode, on redécouvre cette scène, mais chargée du contexte qui l’a initié. Et l’on vient à réaliser que, malgré tout, le personnage était peut-être plus heureux quand il était accro. House synthétise cette nature duelle, opposée, quand s’incarne en lui (et donc dans la série, puisqu’elle porte son nom) l’antagonisme caractérisée. Les scénaristes parviennent à donner au personnage, la force de changer radicalement la réception d’une séquence.
Cette scène aux deux facettes pourraient relever du détail ou de la chair à analyse accessoire, mais elle résume bien la série et ce qu’elle entreprend depuis sa création : une démarche auteurisante et feuilletonnante dans un univers très codifié et commercial. Quand on cherche à bâtir une œuvre au sein d’un organisme qui génère peut-être plus souvent des produits. Moins démarche contre nature (les networks ont produit de grands shows), qu’utilisation en toute connaissance de cause (s’appuyer autant sur avantages d’une telle entreprise, que les tares inhérentes à sa condition). C’est ainsi que ce tourbillon d’enjeux multiples (pour ou contre la prise de drogue conclut à pour ou contre une évolution/régression du personnage) conduit à la conclusion la plus « commerciale », comprendre, celle que la fanbase attend : la naissance (?) du couple Cuddy – House.
A l’image d’une saison qui aura fait autant dans le conceptuel (les premiers épisodes, les deux derniers) que dans le formula show basique, cet épisode place des enjeux évidents dans une formulation travaillée, usant d’effet de style comme de sous-textes, pour appuyer ses volontés. Ce season finale résonnera probablement moins que celui de la saison cinq (ou alors pour des raisons opposées), mais il entre parfaitement dans le cadre de cette écriture déconstructiviste qui touche son personnage principal depuis plusieurs années maintenant.
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