La saison dernière, House a franchi un tabou, brisé une règle, s’est mis dans une position impossible : démarrer la romance (non hallucinée) entre House et Cuddy. Cette « résolution », dans les tables de lois théoriques des séries tv, entraîne la fin du show. Ou, dans le cas contraire, casse la dynamique, les fondations de la série. Souvenez-vous de Mulder et Scully, peut-être le couple emblématique de cette tendance. Une fois les barrières abaissées, X-Files a semblé incapable de se renouveler (avec d’autres raisons).
Seulement House n’est pas une série ordinaire. Sous ses airs de formula show policier déguisé en médical, se cache un laboratoire narratif et conceptuel, où David Shore et ses scénaristes peuvent, à loisir, tester des choses et pousser les règles de la série dans ses retranchements. Point d’exergue, les multiples évolutions du personnage et par extension, de la série elle-même. La sixième saison aura permis de montrer un House plus vulnérable sinon humain. Ce season premiere entérine cette impression, mais l’épisode sourd une menace constante, en jouant sur des perceptions explicites et implicites.
Shore s’amuse dans ce season premiere. Mais le fait avec beaucoup de sérieux et d’intelligence. La partie à l’hôpital n’est là que pour offrir un contrepoids récréatif et créer du rythme. Les enjeux de l’épisode se trouve dans l’appartement de House. Huis clos romantique, drôle, sensuel, quoiqu’inquiétant. L’espace de quelques séquences, la série se transforme en sitcom. Revirement formaliste, expérience éphémère, le fond impose sa forme et, au lieu de traiter de manière frontale l’évolution majeure entre les deux personnages, temporise la situation en l’ex tractant du monde. Auto-centré, la vie du couple s’exécute en marge. Tout juste l’irruption de Wilson viendra rompre l’harmonie. Et poser cette ambivalence sur la valeur du couple CudHouse. Ronde comique, presque vaudevillesque (la belle se cache dans le placard), mais angoissant sur la réelle valeur de cette union (l’ombre d’une précédente hallucination plane encore).
Réorganisation temporaire du programme, théâtralité assumée, ce season premiere modifie la nature du show (comme la saison passée). Vecteur de ce changement : House. Visage souriant, attentif et serviable. Le personnage assume cette transformation, dans un naturel peut-être trop abrupte. Comme si la source de tous les maux s’incarnait dans la non-relation House-Cuddy. Impression qui plane et hante tout l’épisode, et que les dernières images viennent tempérer sans l’oblitérer totalement. La quête du « bonheur » a toujours habité le personnage. Son misérabilisme sentimental prenant alors le pas sur son infirmité (sa jambe, symbole d’échec, de son mariage et de son propre corps). En balayant de façon aussi radical le malheur sur le visage d’House, on résout avec aisance (ou fainéantise) son « cas ». Ou toute cette nouvelle attitude n’est que le reflet de la part très juvénile du génial docteur.
Shore aime brouiller les pistes. Jouer sur les formats (traditionnel quand on est à l’hôpital, audacieux quand il s’agit de revisiter la sitcom), sur la relation (fantasme ou non) et sur la nature même de ce que peut devenir la série (comment gérer cette nouvelle relation et la transformation qu’elle implique). Mener la confusion comme si elle devenait un but à atteindre, afin de trouver la voie à prendre (l’indécision palpable autant du côté du spectateur que du scénariste). Les deux derniers plans, magnifiques de banalités et pourtant d’une richesse inouïe, indiquent encore le statu quo. Mais l’avenir s’annonce passionnant.
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