Cet article pourrait être mis en parallèle avec une rubrique entamée il y a quelques semaines et consacrée aux séries que l’on devrait euthanasier. Comme le titre l’indique, parlons des shows dont le concept ne semble plus capable de tenir la distance.
L’art de la série est un art de la redondance, au moins pour une large partie des œuvres qui la constitue. Que le show repose sur une formule ou le feuilleton, sa nature sous forme de cycle (les saisons) entraîne une répétition. Le rendez-vous hebdomadaire que l’on pratique comme une routine, une habitude. Cet art de la redondance conjugué aux règles dramatiques essentiels apporte cet aspect unique à la série, que le cinéma (son principal comparant) ne pourra jamais reproduire. C’est ce qui fait sa distinction, sa force, mais, également sa faiblesse potentielle. La répétition étirée entraîne l’usure, jusqu’au moment où la série craque, le concept s’évapore, l’œuvre s’affadit.
A cet endroit intervient une question fondamentale : mon concept peut-il ou doit-il perdurer ? Où se situe la limite entre la proposition acceptable et la longueur excessive. Lucarne s’est déjà penché sur le cas Desperate Housewives ou Damages. La première affiche six saisons au compteur (la septième débute dans quelques jours), la seconde, trois. Le nombre des saisons n’est donc pas significatifs. Quand Desperate Housewives débarquait pour la troisième année consécutive, la critique restait positive, même si elle ne retrouvait pas l’enthousiasme précédent. Mais la nature du show de Marc Cherry possédait la matière suffisante à une longue existence (le soap et son bouillon d’intrigues). Au contraire de Damages qui n’aurait probablement jamais dû dépasser le cap de la seconde saison. On pourrait aisément trouver des exemples aussi significatifs : Heroes était un concept pouvant s’étaler sur le long terme quand Prison Break ne devait pas excédé la saison unique (ou deux en poussant le vice). Une maladie, deux causes : la mauvaise gestion d’un concept fort, la nature d’un concept à durée de vie limitée étirée.
Peux sont les auteurs a être parvenu à imposer leur agenda (Straczynski pour Babylon 5) ou maintenir un degré d’excellence sur la longueur (Shawn Ryan pour The Shield, Josh Whedon pour Buffy parmi quelques autres). Il semblerait que ce soit sur la câble payant (Showtime, HBO,…) que l’on retrouve la plus grande flexibilité pour les créateurs. Mais cela n’empêche pas les dérapages. True Blood semble se diriger tout droit vers la catastrophe, Hung implose dans sa pénible seconde saison .Deux séries qui avaient pourtant bâti dans leur première saison un univers distinctif remarquable et de grandes possibilités. Si True Blood ne rentre pas tout à fait dans la thématique de cet article, Hung représente un cas d’école, comme les séries à combustion spontanée. Une formidable première saison et ensuite, les ruines d’un succès que l’on tente de préserver, tout en ayant la crainte d’avancer trop vite. Pour d’autres, c’est le travail d’endurance qui devient insupportable. Burn Notice semble être venue au bout de sa logique. La petite série décontractée de Matt Nix effectue un travail de renouvellement enfermé dans un modèle empirique et obsessionnel. Si les quelques petites piques envoyées à Michael Westen sur son but compulsif à redevenir un agent de la CIA (et sauver le monde), sont autant d’illustrations sur les doutes du créateur à perpétuer sa série et sa justification à continuer malgré tout, le résultat provoque l’ennui.
La raison principale des longévités excessives dépasse la cadre artistique ; c’est bien pour des raisons commerciales que l’on pousse les auteurs (qui le veulent bien) à repousser les limites de l’ennui et convoquer ainsi les spectateurs pour leur rendez-vous. Tant que les audiences entrainent la satisfaction de la chaîne, aucune raison d’arrêter. On comprend la logique même si l’on regrette toujours qu’elle se fasse au détriment de l’artistique. Aux créateurs, bien au courant de ce contexte, de faire en sorte de renouveler leur programme dans l’immobilisme. Comprendre qu’il faut laisser à la série sa forme (conserver sa formule), tout en mettant en scène une valeur ajoutée, l’élément novateur ou perturbateur qui permettrait de rompre une routine fatale. Comme on l’affirmait en début d’article, l’art de la série repose sur un art de la redondance. Celui qui maîtrise cet art surmontera les écueils. Au moins pour un temps.
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