Hung, saison 01 : Grosse Impression

Hung, saison 01 : Grosse Impression

La Crise financière de 2008 entrera dans les livres d’Histoire. Elle a investi la fiction américaine dès l’été 2009. Hung, première série post-crise, en fait son fond de commerce. Place à Détroit (ville meurtrie car vivant aux crochets de General Motors) où un simple professeur doit exploiter son corps pour palier ses aléas financiers (job de professeur mal payé et perte de sa maison dans un incendie). Ambiance.

Le générique annonce la couleur : des symboles frivoles dans un contexte désaffecté. Couleurs mornes, usines à l’abandon, on respire le climat anxiogène d’une ville qui a perdu son éclat. Par opposition, le strip-tease de Ray et les métaphores phalliques permet d’aérer l’ambiance. Le show va constamment jouer sur ces décalages. Traiter de problèmes graves à coup de solutions  sexuées. Dans un monde qui a perdu sa valeur marchande, le corps et le sexe sont les seuls éléments à maintenir leur cote. Quand on a tout perdu ou presque, il reste ses organes comme instruments et monnaie.

Hung raconte l’apprentissage de Ray dans l’« Happiness Consulting » (terme politiquement correct pour prostitution) et Tanya en proxénète. Inversement des rôles dans l’inconscient collectif, rapporté à un usage très artisanal. Retour à une vision plus locale du business, plus modeste, plus humain. La mondialisation, l’hyper-capitalisme immoral pointé du doigt comme principaux maux. Et si les effets de la Crise ne semblent pas toucher outre mesure le plus vieux métier du monde, il reste toutefois difficile et délicat d’entrer dans la promotion d’un secteur marginal et illégal. Principal ressort comique d’une série pourtant pas très drôle, en tout cas, joyeuse, L’approximation du couple Ray/Tanya dans la recherche de clientes, les tarifs comme la rémunération, des premiers essais, tout en essayant de mener une vie « normale » à côté (recherche de l’amour pour Tanya, ex-femme et enfants pour Ray).

La première saison va explorer le spectre prévisible de la trajectoire des novices en prostitution. De la cliente dont on tombe amoureux au partenaire qui s’impose, l’ensemble suit un schéma classique (au moins évacue-t-on rapidement le désir entre prostitué et proxénète). C’est par le caractère de ses personnages que la série va insuffler un peu de nouveauté. Et toujours ce contexte implacable qui sous-couche tous les épisodes. De cette petite galerie de personnages, Ray se démarque (évidemment). C’est son membre qui a été touché par la nature et c’est sa voix qui nous cueille d’épisodes en épisodes. Ton monocorde, ambiance droopesque avec le soupçon d’ironie nécessaire pour parvenir à philosopher une condition désespérée. Pour incarner le rôle, on découvre Thomas Jane (après un Punisher effroyable). Il joue à merveille le monsieur-tout-le-monde gâté par Dame Nature et discret à ce propos. En face, Jane Adams dans le rôle de la frêle et complexée Tanya, offre une prestation impeccable. Artiste névrosée et condamnée à le rester (son idée de petits pains poétiques), son aventure dans la prostitution de luxe s’avère tout aussi difficile. Enfin mentionnons la succulente Anne Heche dans le rôle de l’ex-femme de Ray, dont le personnage fatiguant en début de saison devient tout aussi touchant par la suite.

Par extension, on pourrait trouver dans Hung l’application de la recette Weeds (voire Breaking Bad). Placer des quidams dans un milieu illégal, tenu par des mafieux et consorts. Si dans la série de Showtime, il s’agissait avant tout d’égratigner le vernis des suburbs américaine (quand Breaking Bad est le portrait grandiose d’une descente aux enfers), Hung propose une vision plus terre à terre et politique. Une série très humaine, finalement, qui tend à montrer les répercussions de la Crise à l’échelle microscopique. D’un simple (et bien membré) professeur de lycée, qui perd tout ou presque.

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