Euthanasie #3 : Californication

Euthanasie #3 : Californication

Cet article s’inscrit dans une série de textes consacrés aux shows maintenus en vie artificielle. Sur le principe « ils auraient dû s’arrêter » ou du « syndrome X-Files » (la référence absolue), on pointera du doigt certaines séries continuant leur petite existence malgré une qualité en berne. Logique de production (« temps que l’audience est là »), pêché de gourmandise, on ne peut plus les arrêter. Troisième cas : Californication.

Flash-back : Californication débarque sur Showtime et signe le retour de David Duchovny. Scène d’ouverture choc qui fera le tour de la toile et de la presse : Hank Moody, une nonne, une église, une fellation. Addition explosive, irrévérencieuse, provocante, politiquement incorrect et érotique. Enoncé qui peut résumer cette première saison. Ne manque que l’émotion, franche et fragile quand elle ne se cache pas derrière les débordements de son personnage principal. Succès immédiat, embrasement médiatique, le show de Tom Kapinos réalise, dans sa première saison, le couplé gagnant public/critique.

A l’instar de son héros et sa vie rock ‘n roll, aussi bien « sex, drugs,… » que « live fast, die young », la série grille toutes ses cartouches au terme de sa première saison. Accession réussie, Hank repart avec son ex-femme, sa fille, à bord de sa porshe au phare avant cassé. Couché de soleil à l’horizon. Happy-end.

L’annonce d’une seconde saison provoque quelques interrogations. Pourquoi continuer un récit qui a déjà livré toutes ses clefs ? Mais la curiosité l’emporte, découvrir les nouvelles frasques de Moody le queutard et savoir comment il va négocier le virage d’homme sage et casé. Seulement Kapinos, trop attentif à reproduire les recettes du succès embourbe son récit et Hank dans un statu quo fatal. Après un season premiere en mode « déconstructiviste » au symbolisme immédiat (la castration) – qui annonçait de prometteuses intentions, la suite n’opère aucun changement, ne trace aucune ligne narrative précise, et se contente d’accumuler les déboires de l’écrivain et des personnages secondaires (lire critique saison 02). La troisième saison semble se contenter du minimum en maintenant la série sur un rythme et une tonalité atones.

Le mal qui ronge la série est connu. Californication, œuvre au pitch minimaliste n’aurait jamais du dépasser la première saison. Poursuivre au-delà de son terme théorique, c’est repousser l’inévitable : le concept est mort. Hank Moody devient une caricature au fur et à mesure des épisodes. Reproduction des mêmes schémas comportementaux, tics d’écriture trop voyant, hyperbole sexuelle, jusqu’au moment où l’on devient consterné par autant de mimétisme, de fainéantise, d’une attitude qui n’a plus rien de séduisante.

Californication devient la projection de la trajectoire de l’écrivain. Succès fulgurant, suivie d’une adaptation foireuse et enfin la panne d’inspiration. Trop autodestructeur pour perdurer, Hank contamine et implose le show. Les personnages secondaires, pris dans la toile, se débattent avec des intrigues sans consistances, dont la vacuité, teintée soft-porn écœurant par son systématisme, entraine la série vers le fond. Chaque épisode est calibré selon un cahier des charges si restrictif, qu’il ne laisse plus aucune place à la folie douce-amère, l’esprit punk, la pensée cul savoureuse. Ne reste qu’un déballage inoffensif, au politiquement incorrect de façade (les associations familiales pourront s’y méprendre), mais sans aucun fond, sans passion, sans ce souffle un peu libertaire qui pouvait faire passer des intrigues inconsistantes pour des fulgurances éphémères.

Rançon de la gloire : le succès a sabordé la série. Image d’une réussite ternie par la gourmandise et la paresse. Coupable de deux des sept péchés capitaux, formidable ironie pour une série qui avait fait du sacrilège religieux, son image matricielle.

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