Euthanasie #2 : Damages

Euthanasie #2 : Damages

Cet article s’inscrit dans une série de textes consacrés à ces shows maintenus en vie artificielle. Sur le principe « ils auraient dû s’arrêter » ou du « syndrome X-Files » (la référence absolue), on pointera du doigt certaines séries continuant leur petite existence malgré une qualité en berne. Logique de production (« temps que l’audience est là »), pêché de gourmandise, on ne peut plus les arrêter. Second cas : Damages.

Flash-back : Damages débarque les écrans de la chaîne FX. Glenn Close, après sa prestation remarquée (et remarquable) dans la quatrième saison de The Shield, tient un des rôles principaux : Patty Hewes. Avocate manipulatrice, perfide, jouant avec perversion les Robin des bois. Un rôle quasi sur-mesure, si l’on jette un œil à la filmographie de la dame. Damages est un thriller judiciaire, qui s’applique à suivre une grande affaire durant l’intégralité de sa saison (comme Murder One, première saison, à son époque). Signe distinctif : jeu conceptuel autour de la narration (une ligne au présent, fixe ; une seconde au passé qui avance). Damages affiche ainsi sa modernité (les manipulations temporelles) et délivre un habile thriller. Plébiscite public et critique mérité, cette première saison fonctionne sur tous les tableaux.

Aujourd’hui, que reste t-il de cette réussite ? Une seconde saison comme vulgaire caricature et conclusion théorique dans la troisième. Dans les deux cas, une catastrophe industrielle. Damages pointe au cercle des séries conceptuelles à embrasement immédiat (Prison Break, Heroes,…). Nouvel exemple de ces shows à ne pas avoir su négocier le virage de la seconde année. Comme en musique pour le deuxième album, plus de pression, plus d’attente. Partagé entre l’envie de proposer quelque chose de nouveau et rassuré par celle de reproduire la recette qui a si bien fonctionné. Les auteurs ne choisissent pas et adoptent une position bâtarde. Upgrade du gimmick narratif (au mouvement linéaire se substitue le chaos), immobilisme des personnages, évolution de principe, intrigue trop ambitieuse incapable de tenir dans les treize épisodes, la seconde saison s’évertue à détruire, massacrer toutes les qualités de la série (voir critique complète de la saison).

L’espoir renaît un court instant avec la troisième saison. Les auteurs puisent leur intrigue principale dans l’actualité (l’affaire Madoff) et semble revenir au format « deux temps » de la première. Et comme s’ils prévoyaient leur chant du cygne, le tout semble s’organiser en mode miroir (salle d’interrogatoire avec Patty Hewes dans le fauteuil, mort d’un personnage principal). La série tente ainsi de se racheter une conduite, en se citant elle-même. Seulement ce petit sursaut, réaction nerveuse d’un corps déjà mort, ne peut masquer le caractère non crédible qui touche désormais la série comme les personnages. Un mal trop profond pour espérer une renaissance. A terme, la saison n’est pas si épouvantable, mais l’électroencéphalogramme est plat. C’est donc soulagé (et rassuré) que l’on apprend l’annulation de la série par FX.

L’aspect un peu zombifié de cette troisième saison aurait du nous mettre la puce à l’oreille : même morte et enterrée, la série continue de bouger. Et s’offre une « résurrection » grâce à Direct TV (plus inspirée quand il s’agissait de repêcher Friday Night Lights, annulée par NBC) et pour deux saisons supplémentaires de dix épisodes. Le cadavre à peine refroidi, qu’on la tirait des limbes où elle appartenait naturellement. On a envie de citer la famille Adams et leur célèbre jeu : « Jouons à réveiller les morts ! ». Envie de créer le buzz avec cette reprise d’outre-tombe, et tentative de lancer un nouveau cycle pour la série (vu la conclusion de cette saison trois, le show ne peut que repartir sur de nouvelles bases). Si l’intention est louable (quoiqu’un peu désespérée), la série est arrivée au bout de sa logique (la relation entre Patty et Ellen). Continuer sur cette dynamique (déjà frelaté dans la seconde saison), c’est jouer l’éternelle opposition manipulatrice contre ingénue. La dichotomie fonctionnait bien en première saison. Mais l’éclosion d’Ellen, ratée dans les grandes largeurs, ne permet plus de joueur sur ce registre, sans pour autant offrir de caractère suffisant à un affrontement contre Patty, sur son terrain.

L’épouvantable seconde saison a ruiné toutes chances de projection. Trajectoire brisée, personnages incohérents, l’état des lieux est un chantier impraticable. Sorte de bourbier scénaristique, où toute (re)fondation est impossible. Animés par les meilleures volontés, les auteurs ne sont pas parvenus, dans la saison suivante, à recomposer le succès passé. Et ce ne sont pas les maigres pistes lancées vers l’avenir qui viendra consolider l’entreprise. La clairvoyance aurait du souffler aux dirigeants de Direct TV de détourner les yeux de ce programme alléchant (thriller, Glenn Close, succès). Certaines séries méritent leur annulation, méritent qu’on les laisse mourir. L’annulation d’un show n’est pas toujours une tragédie, mais l’accomplissement d’une logique arrivée à son terme.

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