Le public ne s’est pas trompé. 17.13 Millions de spectateurs pour ce season premiere. Qu’allait-il advenir de notre médecin préféré, une fois interné en hôpital psychiatrique ? Un double épisode pour débuter une saison qui annonce l’ère du changement. Après cinq années, David Shore continue l’exploration de son personnage-titre, en bousculant les codes établis.
Les premières images seront peut-être les plus belles et justes du show. Souligné par la musique de Radiohead, on suit l’évolution de la désintoxication du Sherlock Holmes de la médecine. En plan fixe, montage cadencé, on assiste (pour la première fois) à une réelle déconstruction de la quasi déification de House. Vulnérable, affaibli, meurtri, pathétique et humain. En quelques minutes, Katie Jacobs délivre le plus juste portrait de l’homme face à sa douleur et sa réhabilitation progressive. Sans dialogue, elle cerne tout le calvaire d’un processus long et douloureux. Dans une ambiance qui hésite entre le délétère et le recueillement.
L’épisode s’intitule « Broken ». Titre limpide, aux multiples lectures. Un House brisé, cassé. L’homme vidé face à lui-même. Ses propres contradictions. Ses addictions (vicodin, malheur). L’épisode entier sera la longue psychanalyse du personnage. Face à un homme tout aussi intelligent, tout aussi perfide. Comme une version un peu sage, de House. De leur confrontation verbale, lutte de pouvoir et vrais entretiens thérapeutiques, on retrouve la charge émotionnelle et l’intelligence d’In Treatment. Sur un mode plus éthéré et adapté aux contingences du format. Ce même format qui explose un peu dans cet épisode. Centré uniquement sur House. Trente secondes de Wilson au téléphone. Et ce sera tout. Pas de mystérieuse maladie dans cet épisode. Ou seulement celle de House. Bien sûr, Shore ne résiste pas à l’envie de voir le docteur en limier psychologue. Mais pour un résultat à l’opposé des habitudes du personnage et du show.
Broken restera un épisode mythique. Point d’encrage et passage de relais entre deux époques. Et se termine en ouverture sur un grand, immense et mystérieux chantier : que faire de House après cela ? Parce que l’on pourrait (presque) voir dans ce season premiere, une vraie conclusion au personnage. Et par extension, à la série. Shore et son pôle de scénaristes vont jusqu’à modifier la nature du docteur. Après un tel épisode, difficile de faire machine arrière en conservant la tête haute. Broken met House à nu. Le vide de sa substance, pour le recomposer, en gommant certaines parties et injectant de nouvelles. Sa micro-romance participe à cette entreprise de rénovation. Tout comme les travaux de socialisation imposés par Nolan. Ouverture aux autres, voir l’être humain comme une personne et non une machine. Accepter le contact (charnel ou émotionnel). On n’aura jamais vu House ainsi depuis la seconde saison (et l’arc avec son ex-femme).
Le rythme de ce season premiere ressemble à la vision condensée et express d’une saison entière. On pourrait reprocher aux auteurs de vouloir « régler » l’intrigue de l’hôpital psychiatrique aussi rapidement. Obligation de forcer les choses en usant de quelques accélérations dans le récit. Certains éléments s’en trouvent survolés, avec ce léger manque de consistance caractéristique d’une narration elliptique. Pourtant, le résultat fonctionne et on découvre un éclairage presque expérimental. Ce rythme syncopé dénature (un peu) la valeur des émotions, leur apporte un léger aspect artificiel. Seulement ce traitement s’inscrit en passage obligé, afin d’offrir un environnement fertile aux évolutions à venir. Il ne s’agit pas de verser dans un réalisme absolu (les instituts psychiatriques ne ressemblent pas vraiment à ce que la série nous montre), mais d’organiser un contexte porteur pour organiser la révolution du personnage. Tout comme les autres malades resteront schématiques (fonctionnels) et la romance idyllique (par opposition au caractère de House). Shore exploite la perspective du « personnage-monde ». Tout est pensé, centré, créé en fonction de. Et quand cette orientation se concentre sur une refonte totale ( ?), on atteint un rare degré de bravoure, notamment pour un formula show, diffusé sur un network (la FOX), et arrivé à sa sixième année d’existence.
Avec Broken, Shore prouve que House n’est pas seulement ce show pépère et routinier qui s’appuie sur la personnalité de son personnage principal. Si l’évolution de la série s’inscrit dans un traitement sur le long terme, fait de petites touches (comprendre au sein d’un formula show), ce 06×01 effectue un grand pas et une petite révolution. Le précédent season finale fut ressenti comme un séisme, mettant en cause la nature de son personnage-titre. Ce season premiere fait figure de chantier de reconstruction. On peut faire confiance au créateur, comme à House, pour nous offrir une évolution surprenante comme inattendue. Un peu à l’image du départ de l’hôpital psychiatrique, où l’on quitte la folie par un dernier acte… fou.
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