Men of a Certain Age, saison 01 : Le Poids de l’âge

Men of a Certain Age, saison 01 : Le Poids de l’âge

« When I grow to be a man
Will I dig the same things that turn me on as a kid…
»

Au son des Beach Boys se déploient quelques souvenirs d’enfance en 8 mm. Exhumation des films de vacances, remise de diplômes, jusqu’à l’entrée dans l’âge adulte. La musique exhale un parfum d’insouciance, quand les décisions se limitaient aux parfums des boules de glace et du prochain jeu entre copains. Images d’Epinal aromatisées à la nostalgie, que l’on regarde la trentaine passée avec, aux choix, des regrets ou un sentiment d’accomplissement.

La fiction télévisuelle a apporté son lot de trentenaires, adulescents dont le rythme de vie se superpose à la valse de leurs conquêtes. Men of a Certain Age comme son titre l’indique, pousse le fil de la vie un peu plus loin, pour croquer, avec tendresse, la quarantaine. Cet âge où la plupart des projets sont derrières nous. Traitée sous la caution de la normalité, la série expose la vie de trois hommes, amis, tous à une période de la vie qui délivrent, généralement, plus de réponses que de questions. Pourtant, les trois quadras se trouvent à un carrefour existentiel, comme une vie qui ne s’est pas déroulée exactement selon le plan. Point de départ d’une  série qui met en scène Joe (Ray Romano de Everybody loves Raymond, également à l’origine du show), divorcé qui vit encore à l’hôtel ; Terry (Scott Bakula, Quantum Leap) jadis acteur, reconverti dans des jobs d’interim ; et Owen (Andre Braugher, Homicide et récemment vu dans House), marié, deux enfants, oppressé par son travail de vendeur de voitures et un père/patron.

Dans sa narration, la série applique le triptyque Métro-Boulot-Dodo, définition du quotidien d’une personne active. Banalité érigée en réalité absolue, programme anti-spectaculaire (il n’arrivera rien d’extraordinaire), comme on en trouve tout autour de nous. S’opère une sorte de psychanalyse du quarantenaire, jamais démonstrative ou théorique, mais applicable, pratique, concret. Forme de pragmatisme qui fait de son noyau dramatique une expertise tout en retenue. Avec comme intra-récurrence, une politique de l’échec. Que ce soit Joe et son mariage ou son addiction au jeu ; Owen soumis par son patriarche ; ou Terry en acteur déchu atteint de la crise de la quarantaine, la série expose une galerie d’hommes cassés, mais toujours en état de marche. Au corps défaillant s’ajoute la paire bilan/avenir et son constat d’échec. Stratégies ratées, plan de vie échoué, dans un ensemble qui ne respire jamais la déprime, juste une naturelle observation et une adaptation.

Principe de la série chorale, on navigue entre les trois personnages principaux. Construction triangulaire dont chaque sommet incarne un des protagonistes, avec pour point d’intersection les petits-déjeuners au dinner. Rituel où l’on s’épanche sur la vie, ses tracas, ses mésaventures, ses désirs ou ses réussites. En isolant/réunissant ses particules élémentaires, la série parvient à trouver du rythme dans des histoires qui en sont, a priori, dépourvues. Avec une écriture toute en finesse, ne répondant jamais aux sirènes, on reste sur des développements à échelle humaine. Si chacun des trois hommes passeront par des changements majeurs au cours de la saison, l’évolution sera réalisée toute en douceur. Progression ascensionnelle pour certains, légers pas de côté pour d’autres, les scénaristes orchestrent la vie de leurs personnages par fines couches successives. D’où cette impression d’une vie qui déroule naturellement, avec un attachement particulier aux trois hommes.

Men of a Certain Age reste ce magnifique outil pour acteur. Pas un hasard, quand on aperçoit Ray Romano crédité à l’écriture. La série leur propose un rôle peu courant et un registre qui va du drame au comique. Faire de ces acteurs vieillissants les héros d’une série où ils pourraient incarner une sorte de double d’eux-mêmes. Gloire passée dans d’autres séries, quand ils peinent à retrouver écrin à leur talent. Condamnés à quelques passages éclairs dans d’autres séries (Chuck pour Scott Bakula, House pour Andre Braugher), Romano leur dresse un théâtre rien que pour eux. Joli cadeau, aussi généreux qu’égoïste (on n’est jamais mieux servi que par soi-même), Men of a Certain Age condense toutes les qualités d’un tel exercice (la série sur-mesure, ou presque), sans pratiquer ses défauts (le côté sur-écrit trop dédié). Une éclatante réussite douce-amère sur les affres de l’âge.

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