Dead Set, Big Brother is eating you

Dead Set, Big Brother is eating you

Dans un élan anthropophage, la télévision se bouffe elle-même. En prenant pour point de départ Big Brother (le Loft Story anglais), les auteurs anglais exhibent l’envers du plateau/décors, les rouages de cette imposante machinerie. Façon de se regarder soi-même, tout en se critiquant. Avec ce soupçon de fierté quand il s’agit de se comparer. La real-tv, parent pauvre de la télévision. Production du rien, de l’insignifiant. Et mise en application du célèbre mot de Warhol : tout le monde aura le droit à ses quinze minutes de gloire.

Dead Set a la critique facile. Symbolique lourde que celui du spectateur zombifié. Régression intellectuelle, abrutissement du public, tous les principaux stigmates sont ainsi convoqués. Sans nuance (la grande messe du prime transformée, littéralement, en masse de zombis). Le propos est virulent, vindicatif et facile. Sans prendre de gants, au risque de s’aliéner une partie de son auditoire, forcément concernée. L’attitude est un rien primaire, comme un règlement de comptes : producteur tyrannique et odieux, participants écervelés, on verse dans la lourde caricature. Le message est clair. Même la réalisation est appliquée à la truelle : caméra à l’épaule fatigante, qui abuse de tremblements et mouvements approximatifs pour illustrer sa capacité d’immersion réactive à l’action (en opposition à la création de l’action). Filmage uniforme jusque dans les simples scènes de dialogues, avec ce cadre parkinsonien. Seule l’image vidéo siée au style direct, avec des couleurs délavés où même le rouge sang n’offre aucun éclat.

Le concept avait du potentiel. Le dispositif de la real-tv dans le cadre d’une invasion/pandémie devenait par essence très stimulante. Dans un monde détruit par les zombis, la diffusion, en boucle, de Big Brother faisait de cette émission la seule fenêtre publique vers et pour les survivants. Le spectacle vulgaire et voyeuriste par définition se transformait en une forme de communication à sens unique, porteuse d’espoir factice mais salvateur. L’exposition du quotidien dans sa plus banale expression. Une existence par procuration, comme un besoins de revenir à la normal.

Les scénaristes, plutôt que de creuser un sillon réflexif et théorique sur la notion de civilisation et son image, ont préféré une approche frontale, surfant sur une toute une généalogie des films de zombis. Axé sur l’action, Dead Set verse dans le conformisme du survival. Inclure une théorie positif autour de l’émission Big Brother et la real-tv instaurait une soudaine compromission à la charge vindicative soulevée plus haut. La progression du show suit les convenances. Différents points de vue initiales, création progressive d’un seul groupe jusqu’à son implosion. On aura, finalement, notre constat d’échec de la civilisation sur le versant de la communication.

Malgré tout, la série demeure sympathique et semble conçue pour un fan peu exigeant. Les zombis s’invitent rarement sur le petit écran. Du classicisme instauré, on en retire de l’hémoglobine coulant à flot, des maquillages gores très réussis et des séquences d’horreur efficaces. Les toutes dernières images (les plus belles du show), dans un cadre enfin immobile, accueillent une forme de sérénité. Presque poétique par sa démonstration d’innocence macabre. L’évocation ainsi soulignée est forte, subtile. Et l’on se prend de regrets. Ainsi traitée, la série se serait élevée bien au dessus de son niveau actuel.

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