Eli Stone

Eli Stone

Eli Stone reprend le flambeau d’Ally McBeal. Le show partage en effet de nombreux points communs avec la création de David E. Kelley. Même façon de traiter l’univers judiciaire par le surréalisme, même envie de se servir de l’humour et du décalage pour traiter des faits de société. Et pour pimenter le résultat, le show ajoute une touche de mysticisme prophétique.

Eli Stone (le personnage) est le prototype du sucessfull guy, détestable parce que bon dans son job (excellent avocat amoraliste), fiancé à une très belle femme (fille du boss), promis à un avenir radieux (promotion évidente). Il a l’arrogance des meilleurs et le fait sentir sur son entourage. Jusqu’au jour où il voit (hallucination) George Michael, le chanteur, et se fait diagnostiquer un anévrisme cérébral. A partir de cet événement, sa vie va radicalement changer. Et d’avocat aux dents longues, il se transformera en messie des causes (nobles) perdues, défendant la veuve et l’orphelin. Parce que ses hallucinations, c’est une ligne direct entre lui et le Big Guy.

Si dans le procedural loufoque on avait encore Boston Legal (de David E. Kelley et qui a tiré sa révérence cette saison 2008/2009), Eli Stone semblait vouloir prendre la relève. La mise en scène des hallucinations (gimmick du show) laisse place à de joyeux moments de grand n’importe quoi, à l’efficacité comique toujours redoutable quand la réalité reprend ses droits (et laisse Eli dans des positions toujours embarrassantes). Ces séquences burlesques apparaissant en préambule annoncent le cas du jour et donnent le ton de l’épisode. Un rouage bien huilé, mais qui pourrait vite s’essouffler. Ce qui ne manque pas d’arriver au cours de la première saison. Malgré l’injection sous cutané du mysticisme familiale et de compréhension sur l’origine et la nature des hallucinations, la greffe a du mal à prendre. Et dans le marasme pré et post grande grève des scénaristes de 2008 (qui fera date), le show était condamné d’avance, en dépit d’un renouvellement pour une seconde (et dernière) saison.

Souffrant de ce vide narratif de sept épisodes (du 01×04 au 01×10, pour une saison de treize épisodes, cela fait beaucoup), la série a prouvé trop tard qu’elle n’était pas que cette farce judiciaire, mais avait un projet un peu plus ambitieux. Mixant l’aventure messianique et l’héritage familial sur un terrain plus concret, où les hallucinations deviennent des visions. Qu’Eli est un pion (ou un fou) du grand monsieur là-haut. Et c’est quand le show verse allègrement dans le fantastique bigot, qu’elle s’élève.

Dans sa seconde année d’existence, la série montre davantage d’assurance et de cohérence. Elle bénéficie d’une reconstruction salvatrice liée aux événements du season finale. Cette nouvelle donne profite aussi bien à la dimension prophétique de l’univers, qu’un retour à un pragmatisme contextuel générateur d’intrigues. Les seconds rôles s’affichent avec davantage d’attention, réduits à une poignée et utilisés régulièrement. Une forme de maturité gagne l’ensemble du show et on se découvre un vrai plaisir à regagner cet univers et ses personnages. Preuve de cette soudaine confiance, le show ose. On découvre aussi bien un Eli Stone en prophète publique (président ?) que l’inventrice de la fusion nucléaire à froid. Une anticipation assumée de manière frontale et qui ne se cache pas uniquement derrière l’humour du principe hallucinatoire. Le gimmick caution comique est devenu facteur d’émotions au sens large.

La création de Greg Berlanti et Marc Guggenheim (échappés de Brothers and Sisters) n’aura tenu le flambeau que deux courtes années. Et c’est au terme de la seconde saison que l’on éprouvera des regrets quant à la décision (justifiée) d’ABC.

No related posts.