Prendre le pouls d’une société, mesurer les changements, confronter notre rapport au temps, au passé. Des thèmes au cœur de Mad Men, que Weiner a répété dans les deux premiers épisodes de cette troisième saison. Mais le showrunner sait adopter le retrait contemplatif afin de simplement observer une époque et d’en capturer « l’air du temps ». D’un point de vue dramatique, dans la construction de la saison et des intrigues mises en place, ce troisième épisode n’apporte quasi aucune information supplémentaire. Mais ce n’est pas pour autant, qu’il n’a rien à dire.
Célébration du mariage Sterling. Grotesque garden party, le vieux patron épouse la jeune secrétaire. Grotesque représentation d’un amour « foolish ». Et grotesque mis en scène raciste d’un Roger grimé en noir dans une adaptation de My Old Kentucky Home. Don rejette cette célébration, Betty retrouve les joies de la vie mondaine. Le publicitaire mentionne son passé à un illustre inconnu dans une séquence magnifique, où l’on voit Don préparer un Old Fashioned. Une grâce évidente, des gestes sûrs, et confidences sur sa jeunesse. Mad Men, c’est aussi ces moments magiques, venus de nulle part. Où se marient la beauté picturale et l’intérêt relatif de la scène. Sur la piste, plus tard, Pete & Trudy se donneront en exposition lors d’une danse très démonstrative. Illustrant bien la suffisance du couple et ce besoins absolu de se faire remarquer, d’exister auprès du monde. A l’inverse d’un Don et Betty, qui préfèreront la discrétion lors d’une étreinte passionnée. Et de croire, finalement, que de célébration, c’était celle des retrouvailles de Don et Betty qu’il était question.
Joan occupe un segment de l’épisode. Façon de poursuivre sa storyline en amenant confirmation et doutes concernant son avenir. Confirmation qu’elle rêve d’une trajectoire à la Jane. Se libérer de sa condition d’employée, épousant un brillant parti. Sa confrontation avec la fraîchement mariée ne laisse aucune doute sur la jalousie qu’elle lui porte. « You know everything about anything ? ». Organisatrice d’un dîné où les supérieurs de son futur époux sont conviés. Petits plats dans les grands, buffet pour éviter le malaise du plan de table et conversations sur la société. Joan vit sa vie dans les magazines en papier glacés, avant de pouvoir la concrétiser. Seulement il semblerait que des nuages se pointent à l’horizon, la pauvre Joan de remarquer que son avenir n’est peut-être pas encore tracé. Et la soirée de se terminer par une (autre) scène grandiose, où Joan, sous les ordres de son fiancé, amuse la galerie en interprétant une chanson française (et dans le texte) accompagnée de son accordéon. Le choix du morceau n’est pas innocent. Sous-entendu amer « C’est magnifique ! ».
Cruelle réalité du monde du travail qui occupe une poignée de créatifs tout le week-end, coincés au bureau. Peggy, Paul et Smitty comme des enfants enfermés dans leur école vide, vont joindre l’utile à l’agréable. Il s’agit d’orchestrer, une nouvelle fois, l’envie, le besoins d’évasion de Peggy. Seule femme au milieu d’hommes. Affirmation de son caractère où l’on brise les barrières pour mieux révéler son acceptation. Cela passera par deux déclarations. « My name is Peggy Olson and i want to smoke some Marijuana ». L’ex petite secrétaire (comme les hommes la voient) veut faire comme les garçons et l’assume. Décision arrêtée, tempérament fort, un nouveau pas vers la libération. La suite, c’est l’euphorie d’y être parvenue (malgré les avertissements d’une secrétaire matriarche), confirmé par un langoureux « I am so high ».
Un épisode compartimenté qui révèle des failles, cicatrise des plaies, entame des révolutions ou consolide une relation. Matt Weiner prend son temps, après avoir lancé de multiples intrigues et se réfugie derrière des personnages forts et un contexte suffisamment évocateur pour l’on n’y trouve rien à redire. Une journée ou un week-end. Dans l’air du temps…
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