On ne reviendra pas sur les orientations politiques de Marc Cherry, qui ont nourri certaines storylines de la série, ni sur le personnage de Bree calquée sur sa propre mère. Cet épisode rappelle que parfois, le show entretient, avec un peu trop d’enthousiasme, ses côtés réactionnaires, conservateurs et puritains. Une certaine vision de l’Amérique, un peu trop uniforme et récurrente depuis la mort d’Eddy. Pour rappel, toute l’écriture autour de Lynette et l’annonce de sa grossesse. A aucun moment, on ne mentionnera l’éventualité d’un avortement. Pourtant, pour une quadra, déjà mère de quatre enfants (aucun en bas âge) avec une situation professionnelle confortable, la question pouvait se poser. Mais non, chez Marc Cherry, on préfère les œillères, et jouer la carte de la dépression prénatale de courte durée avant de célébrer l’évènement.
Face à une position de moins en moins subtile, la venue d’une stripteaseuse posait de nombreuses questions quant au traitement choisi. Nous voilà renseigné dans cet épisode qui décide de consacrer tout son temps à Robin, et ses rencontres successives avec les Desperate Housewives. Le portrait n’est guère flatteur, même si c’est pour reconnaître, aux forceps, les vertus de l’être humain derrière la professionnelle du lap dance.
Rapide description : Robin est niaise, simplette, naïve. On aurait bien ajouté innocente, mais se dévêtir pour gagner sa vie ne rentre pas dans cette catégorie selon Marc Cherry. Elle a vécu une enfance difficile, famille dysfonctionnelle, pauvreté, une existence de « Princesse Sarah » (pour l’aspect empirique dans le pathos). Du bon vieux cliché, comme Hollywood aime en vendre. Adapté au genre masculin, ce curriculum aurait débouché sur un serial killer. Mais chez une fille, c’est pute ou stripteaseuse (ce qui, pour beaucoup, revient au même. Cf. l’épisode). Pour sa défense, la série a souvent joué des clichés pour les détourner en dérision, pointer leur absurdité à force de récurrence. Rien de tel dans cet épisode, où la réhabilitation du personnage est si timide, qu’elle peine à exister face au trait grossier de ce portrait.
La trait le plus symptomatique : la première rencontre entre le voisinage et Robin lors de la célébration du retour de Katherine. Les hommes l’accueillent la bave aux lèvres, les femmes avec crainte et dédain. Entre fantasme et menace. Récupération comique évidente (un peu trop), mais ce qui fâche, c’est cette caractérisation. On ne la présente pas comme une amie, une personne, mais comme une stripteaseuse. A croire que la profession fait forcément la femme. On est face à une sorte de condescendance obscène au ton moralisateur. Soulignée par les dernières images de l’épisode, quand Robin défile devant chaque héroïne. On bute sur le rapport stripteaseuse/fille bien, antonyme aux yeux de Marc Cherry. De sorte que Robin, malgré son ancien emploi, parvient à obtenir l’aval des résidentes.
Au sujet de souffrance, qui met en évidence un mal plus profond qui contamine la série depuis deux ou trois saisons : le cloisonnement des histoires liées à chaque femme au foyer. Pour illustrer la nouvelle venue, Cherry met en scène des sketchs. Fonctionnant en vase clos, sans porosité, on assiste à des mises en situation, où la stripteaseuse sert à illustrer ou bien son ex-condition ou une petite leçon de vie coquine (son fond de commerce). Lynette et Susan se heurtent à leurs préjugés pour une résolution à la morale litigieuse (Robin déménage, Lynette la voit encore comme une vendeuse de sexe – ce qu’elle n’était pas). Bree et Katherine apprennent l’insolence friponne (lap dance et coming out). L’arc de Gabrielle ne présente aucun intérêt. Ce découpage en personnages n’apporte aucune plus value. Si ce n’est accentuer la répétition que Robin est une bonne personne. Scinder ainsi son récit ne fait que relever le principe d’individualité que présente désormais le show. La notion de groupe est délaissée au profit d’intrigues particulières, au cas par cas, sans osmose, quand les deux premières saisons parvenaient encore à réunir toutes les actrices pour autre chose qu’une partie de poker ou siffloter quelques cocktails.
Desperate Housewives semble à bout de souffle. Incapable de retrouver la grâce des débuts, quand elle permettait d’approcher le monde des suburbs américains avec un regard décalé, acide, donc pertinent et objectif. Tout en convoquant les fantômes du soap pour en livrer une variation noble. Cet épisode pointe les dérives idéologiques (la série a perdu tout mordant), ainsi qu’une construction générale segmentée, comme composée au séquenceur. Le show a bien tenté de s’injecter quelques pics d’adrénaline (le flash-forward de la saison précédente), sans résultat. On a l’impression de suivre une série en mort cérébrale, maintenue en vie artificielle grâce à quelques réflexes pavloviens.
Lire également: