Passé son premier tiers, que nous apprend cette saison sur ses intentions ?
Depuis la quatrième saison, la structure des journées s’apparente à des poupées russes. Quand le grand plan machiavélique cache un second plan, qui en masque un troisième,… Déjà, la troisième journée laissait apparaître cette évolution, mais sa nature (un seul reload d’intrigue) semblait bien plus cohérent et ne s’adonnait pas à cette forme de surenchère maladroite. Nostalgie que ces folles journées où l’on courrait après une seule menace. Cette huitième saison semble renouer avec les débuts, tout en conservant le concept d’intrigues mille feuilles.
Quel est l’ingrédient secret de cette nouvelle (?) recette miracle ? Le chaos.
Au lieu de jouer les grands cerveaux au service du mal, les scénaristes ont simplement organisé (jusque là) un joyeux bordel. Une succession de coups foireux, de micro-retournements de situations, de traitres (mais pas là où on pense), un désordre total pour un résultat en constant work in progress. Ici, le suspense n’agit pas sur l’axe bien contre mal, quand Jack Bauer court après les méchants. Mais de savoir comment le mauvais côté va réussir à s’organiser. Le premier challenge des journées de Jack Bauer est toujours d’identifier le méchant. Dans cette saison, on est déjà arrivé au troisième postulant. Comme le jeu de la patate chaude, on se refile du matériel radioactif. Russe, fake-Iran numéro un, fake-Iran numéro deux, la liste est déjà longue et jusqu’où s’arrêtera-t-elle ?
De plus, cette saison retrouve les intrigues secondaires. Ces petits riens insignifiants, qui cassaient le rythme de la journée, que l’on souhaiter voir évacuer le plus rapidement possible, afin de reprendre les choses sérieuses (souvenirs douloureux d’une rencontre entre Kim Bauer est un couguar).Dit ainsi, et quelques mauvaises expériences réveillées, on pourrait croire à la mauvaise nouvelle. Pourtant, ces récits secondaires permettent d’aérer l’intrigue principale, et de lui laisser du temps pour s’exprimer. En somme, un intérêt purement pratique : temporiser. Cela évite les catastrophes comme lors de la sixième saison et son intrigue bouclée à la dix-huitième heure. Et la septième, exemptée de ces détours, se vautrait dans des retournements artificiels sans motif, tournant à vide.
Ces quelques éléments rassurants ne permettent néanmoins pas tout à fait de retrouver le sourire. On regrette l’époque où ce compte à rebours possédait une réelle valeur. Il y avait l’aspect ultimatum. Le décompte avant l’attentat, le suspense paroxystique quand s’approchait l’heure, la minute fatidique. Et le facteur temps/réalité. Quand tout ce qui se passait à l’écran ne possédait pas d’autre ligne temporelle que notre pendule dans le salon. Aucune ellipse, un récit chargé à bloc où le montage n’exerçait son pouvoir de distorsion du temps (que s’est-il passé entre chaque plan ?). Délocalisé à New-York, le temps ne s’adapte plus à la géographie. Quand tout est à portée de cinq ou dix minutes (en voiture, à pied, en hélicoptère,…). 24 retravaille la ville pour en faire sa scénographie. Espace compressible, mais qui dénature le principe de la série.
Finalement, ce premier tiers devient très théorique. Comme si la série jouait son auto-analyse. Regard tourné vers le passé, vers une formule qui, malgré son caractère immuable, a évolué, muté vers une configuration plus mouvante, comme une conciliation entre son principe initial et une forme classique. A l’heure où l’on devine, déduit derrière un discours modéré des responsables de la Fox, que cette saison pourrait bien être la dernière, ce brusque élan un peu nostalgique mais très conceptuel s’affirme et n’étonne pas.
No related posts.