Récemment, un article mettait en évidence le caractère irréaliste de l’univers CSI. Texte dans le fond pertinent, mais dont la tendance à enfoncer une porte ouverte (les séries n’ont jamais prétendu être un modèle de véracité) et donner dans l’argumentaire stérile. Qu’une fiction permette d’arranger la réalité pour des besoins dramatiques, cela fait partie de sa nature. Les règles de l’écriture et « de la vie » ne répondent pas aux mêmes besoins. Chose que tout le monde devrait pouvoir accepter aujourd’hui. Cependant, CSI Miami repose sur une altération différente, un monde un peu à part, qui se situe à mi-chemin entre la fable et la réalité. Un monde dont les règles théoriques sont les mêmes que les nôtres (plausibilité scientifique à l’appuie), mais peuplé par un être supérieur, dont l’épaisseur émotionnel et l’aptitude générale pervertie légèrement son fonctionnement.
CSI Miami a toujours cultivé sa différence par rapport au reste de la famille. Davantage portée sur l’action, elle exacerbe le caractère parfois austère des deux autres membres. De sa photo très contrastée qui donne à Miami un air paradisiaque à sa vulgarité complaisante, la série finit par faire de la science un élément parmi tant d’autres, quand elle reste la valeur marchande de New-York ou Las Vegas. Il faut dire que si ces deux dernières possèdent une figure centrale (Grissom, Taylor), aucune comparaison n’est possible avec Horatio Caine. Il incarne l’essence de CSI Miami. Et par extension, nourrit la différence, impose le caractère perverti de la réalité, joue avec les codes classiques de la dramaturgie.
Dans ce season premiere, cela se traduit par la dernière séquence. Une scène improbable, dont le premier degré si naïf, explose les frontières de l’acceptation.
Rappel du contexte : Attaque chimique lancée contre le laboratoire d’analyse, faisant une victime : Jesse Cardoza. Une mort qui traduit l’introduction de trop nombreux (et inutiles) personnages au cours de la huitième saison. On peut louer l’efficacité du cliffhanger (tout le monde s’écroule) et du season premiere (suspense, émotion). Tout l’épisode va ainsi jouer sur un spectre prévisible (la perte d’un collègue et/ou ami, la vengeance, le recueillement), qui va amener cette séquence extraordinaire.
Association d’idées primaires. Jesse jouait au basket avec Walter (autre nouveau personnage introduit dans la précédente saison), c’est donc sur un terrain municipal que l’on offrira un dernier sacrement. Et comme dernier geste, Horatio offre un panier « en l’honneur de Jesse ». Un trois points qu’il mettra aisément. Le tout dans une ambiance bienveillante. De voir, en 2010, une scène aussi naïve dans sa forme, son fond, dans le message qu’elle véhicule, tiendrait presque de la mission de décryogénisation. Séquence anachronique, que même la plus mièvre des productions Disney ne serait plus capable d’offrir à ses ouailles.
Pour comprendre cette séquence, il faut revenir sur la nature de Horatio Caine. On n’aura pas la place dans cet article de traiter de façon fondamentale (objet d’un prochain texte), la dimension philosophique du personnage comme variation autour du concept du surhomme nietzschéen. Il faut toutefois préciser que Horatio incarne cette notion d’être supérieur, aussi bien dans l’écriture/interprétation (stature omnisciente, diction lente et solennelle) que dans sa mise en scène (il éclipse régulièrement le soleil). Dans ce contexte explicite, le simple hommage dans un geste a priori anodin (réussir le panier), devient une démonstration de la qualité supérieure du personnage. Où comment concilier l’intelligence (son savoir scientifique) à la maîtrise physique (réussite du trois points).
Dans ce rapport mi-premier degré, mi-conceptuel, la scène dégage une fascinante réflexion. Celle de délivrer une crédulité incroyable, mais ridicule, et de nourrir, involontairement de façon risible et saugrenue, une notion pop-philosophique. Sorte de traitement médiocre, dans une mise en scène qui renvoie à une conception crédule de l’hommage. De cette emprise frontale, on ne peut s’empêcher de penser à une parodie. Une version caricaturée de la série (qui cultive déjà un caractère se prêtant à l’exercice moqueur). Si l’on peut reconnaître la puissance d’une série à sa capacité à produire des réactions, alors CSI Miami et Horatio Caine ont atteint un statue immuable. Et après une telle séquence, ce n’est pas près de changer.
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