Retour des (més)aventures de Hank Moody. A l’instar de Prison Break, dont l’improbabilité d’une seconde saison se posait, que pouvaient raconter les auteurs, maintenant que l’écrivain a atteint son but : reconquérir la femme de sa vie et former à nouveau une famille ? Le season premiere répondait en partie à l’interrogation. Choisir la déconstruction symbolique du personnage. Vasectomie, forme de castration pour signifier sa nouvelle monogamie. Moody le queutard, rangé des excès avec option femme et enfant. On place le couple en présence d’anciennes conquêtes pour éprouver sa nouvelle foi et condition. On désacralise le séducteur en illustrant l’impossibilité de contenter les autres femmes (du moins, leur horloge biologique). L’homme ne perd pas son pouvoir séducteur, son mojo, mais on lui donne les vertus d’un homme raisonnable. Les nouveaux enjeux – l’homme devant la tentation – présentés, on pouvait être curieux de la tournure à venir des événements.
Seulement redéfinir symboliquement le personnage ne pouvait suffire à combler une saison entière. Même sur douze épisodes. Est prise alors la décision d’opposer à Hank, un double. Homme artiste (dans le milieu musical), fêtard, homme à femmes, excessifs, une copie carbone à une exception : ce dernier a abandonné depuis longtemps la quête de l’amour. Mettre en parallèle une version rangée et une autre libre, le bonheur durable et le plaisir épicurien posaient une thématique intéressante. Et parvenait ainsi à offrir une évolution dans la continuité.
A ce jeu, le champion toute catégorie est Dexter. A chaque nouvelle saison, on voit l’impensable se réaliser : être capable de poursuivre une étude de caractère, quand tout semble avoir été dit. De parvenir à créer un contexte émulateur pour son personnage principal, moteur thématique de la série. Petit miracle télévisuel qui n’évite pas les embûches et dont l’avenir s’annonce de plus en plus difficile. Mais Californication possède un univers bien plus permissif et la tâche est donc facilitée.
Devant l’ampleur de la révolution et la confrontation, les auteurs se sont tournés vers la facilité. Plutôt que d’affronter de face la nouvelle configuration du show, on tente de recréer le succès passé en lui faisant subir une cohabitation pour le moins difficile. Retour à la case départ ou presque pour Hank Moody. Où le couple joue au jeu des chaises musicales, ce qui n’a jamais donné de bons résultats. Chasser le naturel, il revient au galop ? Peut-être, mais on ne peut s’empêcher de se sentir frustré par l’attitude peureuse des scénaristes. Ils n’attrapent pas la bête par les cornes, ils la laissent filer. Hank ancienne formule retrouve ses propriétés d’a(i)mant à problème. Retour en disgrâce donc, où le buccoviole matricielle entraîne la suite vers les schémas routiniers de l’année précédente. L’acte traumatique (et drôle à sa découverte) va contaminer toute la suite. Ressassé pendant toute la saison (on comprend par principe, mais à la longue…), c’est l’excuse trouvée par les scénaristes pour éviter les complications qu’une refonte structurelle imposait.
Cette saison vire au show à formule. Au tout petit cahier des charges, mais qui se perpétue d’épisodes en épisodes. La scène de cul, les métaphores fleuries sur le sexe, les embrouilles de Hank. Comme des passages obligés, figés, sculptés dans le marbre. La frénésie de la première saison, où tout s’enchaînait dans un mouvement hyperbolique, ne fonctionne plus. Et moins encore, confrontée à l’orientation choisie. Passé et présent, dans une confuse promiscuité, s’expriment très mal et n’existent qu’en suffocant. On ne sourit plus vraiment, on devient juste fatigué par tant de condescendance scénaristique pour un profit mineur.
Dans l’absolue, c’est Runkle qui sort gagnant de cette saison. On est plus intéressé par sa virée dans le monde du porno, sa déchéance d’agent littéraire et sa nouvelle vocation d’agent de pornstar que les déboires maniaco-sexuels de Hank. Si la trajectoire Runkle est bien trop compressée pour convaincre (elle ferait l’objet d’une saison entière d’un personnage principal), son jusqu’au boutisme halluciné correspond à l’image que l’on garde de Californication. Elle atteint son point d’orgue dans le tournage de Vaginatown (remake X du film de Polanski) où tout converge vers un point. A ce titre, la dépendance de Marcy qui, sans être une surprise, arrive un peu trop rapidement et traité par-dessus la jambe, jette un trouble dans cet univers où tous les excès étaient seulement perçus par le prisme de l’humour. De même que l’overdose subite de Lew dans le onzième épisode. De cette vie passée dans le plaisir intense et éphémère des fêtes et de la défonce, on apprécie que la réalité rattrape son sujet par la plus dramatique des manières.
Le challenge était peut-être trop grand. Difficile d’offrir une continuité à un récit bouclé. Des idées ont jailli, parfois très bonnes. Mais il a manqué cette flamme qui embrasa la saison passée. Et la tentation de reproduire une recette avec des ingrédients périmés fut bien trop grande. Enorme déception, de celle qui survient après les plus importantes réussites. Illustration d’un symptôme courant dans les productions télévisuelles américaines. Le cap de la seconde saison. On recense un malade de plus, comme on espère à son prompt rétablissement pour l’année prochaine. Hank Moody impuissant. Voilà une grande tragédie…
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