La fresque historique s’invite dans la lucarne. Initiative de la chaîne HBO. Projet ambitieux de vouloir ainsi revisiter la Rome de Jules César. Son apogée comme sa décadence. Après la mythologie du grand ouest (Deadwood) et son regard réaliste, c’est aujourd’hui au mythe romain qu’elle s’attaque. Avec ce même objectif en vue : mettre en image l’Histoire, sans paillette, ni éclat.
L’ampleur impressionnante de la reconstitution comme représentation d’une ville démiurge.
Rome ne pouvait bénéficier d’un traitement plus timide. Retranscription de sa folie, sa grandiloquence et son impérial sentiment de supériorité. Mais au détour des luxueuses bâtissent, se découvrent les ruelles sombres et purulentes. De cette partie de la population que l’on cache. Le célèbre antagonisme du peuple d’en haut face aux gens d’en bas. Rome comme Deadwood se sert de l’Histoire pour présenter les maux du monde moderne. Stigmate de l’ère Bush, où la série dresse le portrait d’un dictateur menant une guerre illégale pour asseoir son emprise sur le monde, dont il s’est proclamé empereur.
Ce miroir offre un champ de réflexions comparatives riches et foisonnantes, mais alourdit le show d’une caution envahissante. La série s’asphyxie lorsqu’elle se drape dans la reconstitution pure et théorique. Rome gagne un souffle salvateur dans ses échappées vers des figures anonymes. Elle retrouve une flamboyance, une incarnation à revisiter l’Histoire. Quand elle s’agenouille devant le diktat des manuels scolaires, le show tombe sous le joug de la lourdeur documentariste.
La série gagne, ainsi, à bannir les scènes spectaculaires des grandes batailles pour se consacrer à l’envers du décor. Plus que la guerre, ce sont les grandes conspirations qui intéressent les auteurs. Celles qui se déroulent dans la chambre à coucher. Davantage que les vains discours et discordes du Sénat. Aussi, le sexe devient la monnaie d’échange ou l’arme privilégiée pour arriver à ses fins. Il s’exporte jusque sur les murs de la ville. Comme autant de tags grotesques et caricaturaux. Il est adapté au théâtre où des comédiens, munis de phallus disproportionnés miment les grands noms politiques en pleine action. Et les coïts et conspirations se mélangent et ne se discernent plus. Jamais une série ne se sera autant reposée sur la représentation du sexe comme vecteur de narration. Et fait ainsi des coucheries diverses, les moteurs d’intrigues de faits historiques (une chose que reprendra The Tudors, par exemple).
Le format de douze épisodes, pour embrasser une période aussi importante, oblige les scénaristes à jongler avec de larges ellipses. La narration ainsi restructurée se pare d’une évolution hasardeuse. Découpage trop stricte en épisodes comme autant de chapitres. Le classicisme du procédé enterre toute notion de suspense et la tension dramatique s’en trouve allégée. On regrette que les auteurs n’aient pas privilégié une direction plus audacieuse. Mais Rome bénéficie d’incroyables richesses, affichant une ambition rare. Distinction – d’ordinaire peu mémorable – de série la plus chère jamais produite. Une fois n’est pas coutume, les moyens apparaissent à l’écran et participent à la réussite émérite du show. En effet, Rome brille par sa capacité d’immersion dans cette cité opulente, où la ville devient son personnage principal.
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