Télévision du réel

Télévision du réel

On aimerait pouvoir le passer sous silence. La téléréalité (ou real-tv) a marqué de son empreinte la télévision mondiale. Si elle arrive à bout de souffle (en France), la télévision dont vous êtes le héro a engendré de nombreux programmes, de multiples parodies et des discussions devant la machine à café au boulot. Aujourd’hui, tout le monde s’en fout, ou presque. Comme une chose passée de mode, mais inscrite dans le quotidien.

La récupération de la real-tv dans la fiction reste plutôt discrète. Façon de prouver sa noblesse. On a pu voir récemment Dead Set (2008), mini série anglaise qui mixe Big Brother et l’invasion de zombies (voir critique). Stéréotypes et vindictes un peu gratuites composent l’essentiel d’un discours uniforme qui n’apporte pas grand-chose au menu. CSI Miami invitera le temps d’un épisode un concept de téléréalité. Dead on Arrival (07×22) utilise comme cadre le Bachelor. La séquence pré-générique reprend les codes visuels de ce type de show. Confession dans la voiture des deux candidates finales, mis en scène du choix fatidique. Du drama préfabriqué (comme on le verra plus tard dans l’épisode) qui colle bien à l’univers du show. Facile et inoffensif comme charge, et toujours cette posture passive-agressive contre la téléréalité.

Le grand moment de real-tv dans une fiction, on la trouvera dans la quatrième saison de House. Le docteur misanthrope s’improvise maître de cérémonie, juge et bourreau. Et l’effet de style ne s’applique pas à un seul épisode, mais deviendra la dynamique de la saison entière. Un recrutement orchestré comme un immense casting. Des éliminations tout droit sorti de Survivors (ou Koh-Lanta). Et une lutte faite de coups bas, d’alliances contre nature, de perversions diverses. Un petit théâtre grotesque et pugnace où la perfidie reste l’arme favorite. Le spectacle est plus jouissif que n’importe quelle real-tv, parce que l’on a les commentaires cyniques de House en voix in. Figure du producteur/patron manipulateur, control freak, qui amènera chacun des candidats là où il souhaite les voir. Qui a dit que le show était truqué ? L’envers du décor de la téléréalité, c’est une pièce rempli de scénaristes. Ou l’esprit malade et pervers du médecin.

Enfin Virtuality complète le tableau. Réduit à un seul pilot diffusé (bazardé) par la Fox au mois de Juillet 2009, la nouvelle création de Ron D. Moore (Star Trek TNG et DS9, Battlestar Galactica) utilise le concept de la real-tv. Cette fois-ci, l’émission se déroule dans l’espace. Station équipée de caméra comme un Loft, pièce réservée aux confessions de l’équipage. On a même la présentatrice intégrée et le producteur/monteur/médiateur. Le concept bien absorbé par Moore et retranscrit tel quel par Peter Berg (à la réalisation), on y prend autant de plaisir qu’un live de Secret Story (les douches en moins). Le Space Loft est aussi barbant que le terrien. On y trouve les mêmes petites coucheries, les colères factices, les névrosés de la cohabitation. Moore amène la real-tv dans sa science-fiction sans aucun traitement particulier. Tout en mode copié/collé. A peu près digne d’un live de Nasa TV (voir l’article de Leo Soesanto sur le blog des Inrocks).

House excepté, le traitement de la real-tv dans la fiction reste essentiellement formel. On converse des codes visuels (Virtuality, CSI Miami) ou une situation initiale (Dead Set). Personne n’a encore osé s’attaquer à une grande déconstruction. Aucune n’a tenté d’en comprendre la nature et l’addiction auprès du public. Si par le détournement, les auteurs de House sont parvenus à un discours intéressant sur la fabrication d’une téléréalité, du côté de l’audience et de la réception, nada. C’est peut-être du côté du cinéma que l’on trouvera les meilleurs exemples avec The Truman Show (plus qu’Ed TV).

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  1. Dead Set, Big Brother is eating you