Nurse Jackie saison 01 : Le monde selon Jackie

Nurse Jackie saison 01 : Le monde selon Jackie

Hors champ. La série créé l’évènement de la midseason : meilleur démarrage pour une série Showtime et renouvellement express après diffusion du seul pilot. Hors champ toujours. Il faut dire que la série avait de quoi susciter l’intérêt : au casting, Edie Falco (Mme Soprano), Paul Schulze (The Sopranos, 24), à la réalisation Allen Coulter (The Sopranos, Sex in the City), rejoint par la suite par Steve Buscemi (l’acteur de Fargo, déjà réalisateur d’Animal Factory et de quelques épisodes des Sopranos) et deux anciens de Weeds (Showtime), Craig Zisk et Scott Ellis. L’équipe ressemble un peu à une réunion d’anciens combattants. Transfuges de HBO chez la petite concurrente pour une nouvelle dramédie médicale.

Nurse Jackie, c’est un peu la réhabilitation des infirmières à l’époque de la  glorification des docteurs (House en tête, suivi de Grey’s Anatomy). En voix off, Jackie nous informe qu’en réalité, ce sont elles, les infirmières, qui sauvent les vies. Et pas les docteurs, accros aux scalpels en quête de déification. De mémoire, il n’y avait qu’Urgence pour mettre au même plan infirmières et docteurs. Position néanmoins pervertie quand Carol Hathaway cherche à passer le diplôme de médecin (complexe d’infériorité) ou encore Abby Lockhart, ancienne étudiante en médecine ayant abandonnée ses études pour finalement devenir infirmière (voix de garage). Carol laissera tomber son rêve et Abby terminera son internat (la morale est presque sauve). Jackie, elle, est une infirmière qui s’assume. Elle développe les mêmes dépendances aux painkillers (mal de dos) et applique une forme personnelle du règlement (House au féminin en plus humaniste). Les urgences sont son royaume.

Au-delà de sa figure titre et des personnages qui complètent le casting, difficile de raconter cette première saison. Il ne s’y passe pas grand-chose. Petite révolution à l’échelle Jackie (donc, elle joue très gros à son terme), mais le spectateur a subi un rythme lent, une construction feuilletonnante sans en exploiter tous les rouages et une absence notable d’enjeux. Un traitement étrange qui donne à la série toute sa personnalité et se distingue dans le paysage télévisuelle américain (câble compris). Le travail de la narration, éthérée, clinique, joue sur deux échelles : Jackie au travail en opposition à Jackie à la maison. Cette séparation distincte (elle enlève son alliance pour travailler, personne ne sait qu’elle est mariée et mère de deux enfants, sauf le Dr Eleonor O’Hara, sa meilleure (et seule ?) amie) est au centre de la saison. Où Jackie mène un semblant de double-vie (elle couche avec le pharmacien de l’hôpital).

Nurse Jackie met en scène la femme moderne à la télévision : Femme, mère, amante, maîtresse, mentor, indépendante (sa vie) et dépendante (aux drogues pharmaceutiques). Elle synthétise sous les traits d’Edie Falco (qui le lui rend bien), cette puissance de la nature, sûre d’elle, menant son monde à la baguette. Et cette première saison tente de bousculer Jackie et mener ce monde à la destruction. Grosse entreprise de démolition qui va prendre douze épisodes pour mener son objectif à terme. On comprend mieux les petites touches successives dans les épisodes, sous forme de micro-contrariétés (sa fille neurasthénique, son amant pressant…) et l’ambiance glacial, limite anxiogène (heureusement, le personnel coloré de l’hôpital y apportera le contrepoids comique). Vision macroscopique d’un drame en devenir (comme les représentations répétés des pilules qu’elle sniff) où tout converge vers un season finale à la fois intense et déceptif.

Médecine, vie de famille, relation (intra)professionnelle, tout est traité sur un pied d’égalité ou équilibre logique (on passe plus de temps au travail qu’à la maison ou au bar de son mari). Univers en vase clos qui ne communique pas entre eux (jusqu’à…). Compartimentée ainsi, la série joue avec les archétypes en mode choral (le jeune médecin égocentré, la jeune et nouvelle infirmière un peu simplette, l’infirmier musulman gay, l’autre infirmier gay scandinave, la responsable mégère redoutable), afin d’apporter de la vie et du décalage dans un milieu généralement formaté et aseptisé (sans sombrer dans le soap antiréaliste made in Grey’s Anatomy).

Showtime réussit son pari, celui d’investir l’univers médical de façon décalé (pas comique, mais non frontal), en tirant son épingle du jeu grâce à un casting (cast & crew) remarquable (la réalisation fait partie de ce qu’il se fait de mieux) et un profil narratif, s’il n’est pas innovant, procure un sentiment de nouveauté rafraichissante. L’écriture exigeante (en forme de fausse simplicité) demandera un peu d’effort au départ (l’absence d’enjeu peut paraître rédhibitoire), mais pris dans un rythme nonchalant, l’univers de Jackie apparaîtra comme une bouffé d’oxygène (un peu vicié) dans le monde médical tel qu’il est exploité par la télévision américaine. Jamais glamour, jamais intense, mais succession de malades, parfois émouvants, d’autres fois non. Impression de réalisme absolu (jusque dans la prise de drogue), et minimalisme de rigueur. Showtime, toujours plus près des traces d’HBO.

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