La luxueuse coproduction américano-canadienne n’aura tenu qu’une petite (et difficile) saison. ABC annule sa diffusion au terme d’une poignée d’épisodes, la chaîne canadienne CTV programme la saison entière pour un résultat qui fera (sans doute) l’unanimité : un échec quasi complet.
Les meilleures formules de vente ne peuvent produire l’illusion longtemps. Au bout d’un moment, l’aspect artistique doit (re)devenir dominant. Dans le cas de Defying Gravity, le mirage s’est évaporé après deux ou trois épisodes et jamais la série n’est parvenue à décoller. De façon surprenante, elle ne doit pas cet échec à la comparaison avec son modèle avoué (Grey’s Anatomy). Les deux séries entretiennent beaucoup moins de rapport que le marketing et le pilot laissaient envisager. L’aspect soap se trouve uniquement dans les flash-backs, et ne constitue qu’une petite partie des scénarii, et aucune des enjeux dramatiques du show.
Le principal problème de la série réside dans sa gestion du suspense, l’entretient de son mystère et sa révélation. Il faudra attendre neuf longs épisodes avant de savoir ce qu’est Beta et comprendre sur quoi le show va composer. Pendant ce temps, le public se décompose devant des micro-intrigues sans intérêts, pendant que l’on nous tease avec un « grand mystère très, très mystérieux ». La partie purement didactique du show ne produit aucune fascination, les personnages restent figés dans leurs archétypes et le temps finit par devenir très long. Trop long pour un mystère maintenu sous respiration artificielle (gimmick répété ad nauseam), et qui, une fois réveillé, ne passionne déjà plus personne. Et ne risque pas de changer cet état, face à un simple amas numérique scintillant.
La plus grande découverte de l’humanité, l’existence d’une intelligence extraterrestre, s’avère être la fameuse grande idée de la série, et le voyage que l’on vend depuis le premier épisode, une immense chasse au trésor afin de récupérer tous les artefacts (Alpha, Beta, Gamma…). Quand le projet scientifique se transforme en un vague trip new age. Celui d’Eve, la jeune idéaliste travaillant dans l’humanitaire qui a littéralement vu la lumière, et devient ainsi la marraine financière de la mission (épisode flash-back insupportable).
L’inconsistance autour de Beta (suspense oblige) oblige les scénaristes à trouver une parade afin d’instrumentaliser son existence. Donner de la matière aux spectateurs, autre que cette bouillie d’effet spécial démodé. L’intelligence extraterrestre devient vectrice de culpabilité. Où les traumas des personnages reviennent les hanter, afin de les charger de culpabilité. Le systématisme de l’opération associé à une écriture lourde et ampoulée ajoute une couche au naufrage de la série. Du pathos à la truelle, en couches successives, qui touchent tous les personnages ou presque. La tragédie martienne pour Maddox et Ted, l’avortement de Zoé, la guerre pour Evram, Katrina-like pour Eve, Paula et son chien d’outre tombe, seuls Jen et Wass échappent à la sanction. Pire, comme si ce n’était pas suffisant, les scénaristes en créé d’autres totalement gratuites (non générées par Beta), Rollie et son accident ou encore Armel et sa jambe artificiel. On surnage difficilement dans cet océan de bons sentiments martelés avec la grasse d’un marteau-piqueur (déjà pas aidé par un traitement axé sur la répétition).
A posteriori, le coup du marketing centré sur la hype d’une autre série, était une prévision limpide. Celle d’une série qui n’avait pas grand-chose à raconter. L’outil d’une boite de communication, chargée de réaliser des miracles : Amener les gens à s’intéresser à cette histoire de chasse aux trésors cosmique, avec un soupçon de romance gnangnan. Où l’exotisme de la conquête spatiale devrait s’accorder avec des considérations trop terre à terre. A aucun moment on aura senti le récit s’embraser pour devenir autre chose que cette série linéaire, dont la construction en deux temps, n’apporte aucun rythme sinon une sorte de show binaire, aussi riche que les 1 et les 0 qui la composent.
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