Cellule Identité 01×01 : Frédéric

Cellule Identité 01×01 : Frédéric

On mentionne souvent l’âge d’or des séries américaines pour mettre un terme sur une période faste, qui a peu à peu révolutionné la télévision us (câble et network). En France, on parlerait plus facilement de boom économique avec l’apparition de diffusions en prime time de shows américains (CSI’s, Grey’s Anatomy, House, Without a Trace, Cold Case…). La suite logique de ce phénomène est la récupération par les créatifs français de cette exposition, avec la tentation très forte de copier nos amis d’outre atlantique. Pour des résultats souvent catastrophiques (RIS, L’hôpital,…). Avec Cellule Identité, M6 tente de surfer sur la vague. Digestion d’une esthétique, adaptation d’une mode, la série affiche clairement ses intentions.

Certains signes ne trompent pas. Officiant dans l’hyperspécialisation (la recherche de l’identité des victimes, puis la résolution de l’enquête), avec pour décors, un bureau hi-tech et design, l’influence porte la marque des productions Bruckheimer (CSI’s, Cold Case,…). Jusqu’à la réalisation, classe et moderne, avec son montage nerveux et sa photo travaillée. Pour une fois, on ne sombre pas dans le mimétisme toc. La série possède une identité visuelle agréable, même si générique (elle se fond dans une multitude de productions). Elle parvient à se hisser au niveau du professionnalisme de ses référents. Le travail effectué se contente de reproduire la « qualité us », mais pour une fois, le résultat s’avère être à la hauteur.

On ne peut malheureusement pas en dire autant concernant l’écriture des personnages et leur introduction dans ce pilot. Structuration grossière, schématisation monocouche, l’équipe est constituée de protagonistes à usage unique. On commence avec le clown de service, jeune, dans un numéro de drague embarrassant et qui introduit, de façon trop didactique, le principe de la série. On poursuit avec l’homme-wikipedia. Savoir encyclopédique, sa première réplique affirmera son caractère d’homme érudit dans une posture parodique. On retrouve la chef de l’équipe, personnage le plus nuancé ou le moins monolithique. On reste dans des caractéristiques liées au leader (humanisme, intégrité, dévotion, rigueur), mais le portrait fonctionne. Enfin on termine avec le « nouveau venu », forcément beau mec, arriviste, arrogant, détestable mais qui possède un bon fond. La scientifique dispose d’une personnalité quelconque (pas un défaut) et la grande patronne, version masculinisée de la chef d’équipe. Cette caractérisation, ainsi que sa mise en place, forcent l’artificialité de la série et la conduit dans une forme primitive, façon mauvais tutorial. On prend le spectateur par la main, lui mâche tout le travail. C’est de l’assistanat pur et simple. A ce titre, on peut reprocher aux séries ciblées par Cellule Identité, le manque d’épaisseur des personnages, mais leur introduction comme leur portrait, ne sombrent jamais dans une posture aussi franche et schématique.

Le policier est un genre universel. Appliqué dans différents pays, au sein de différentes cultures, on retrouve toujours un postulat identique : un crime à résoudre. La France court toujours après une formule policière stable, capable de revendiquer son identité nationale tout en s’exportant. Avec ce premier épisode, on reste au niveau de la descendance internationale. L’apport « français » reste assez faible. Un reproche qui tait son nom, contestable, car cette dissolution dans une représentation très américaine, ne joue pas contre la série. Séquence pré-générique choc, l’épisode déroule son format avec savoir-faire. En revanche, on peut reprocher aux scénaristes de manquer le coche avec l’évolution de leur première intrigue. Si on félicite le revirement à la moitié de l’épisode (efficacité du coup de théâtre), les auteurs perdent le fil quand ils décident de séquestrer leur personnage principal. Excès de sensationnalisme (un tort pour un pilot), écriture lourde (le violeur qui sort de prison qui décide de s’attaquer à une flic), on ne croit pas une seconde au suspense (on voit mal les scénaristes renouveler le coup de Oz) et on finit par être déconnecter de l’épisode. Ensuite, les auteurs rament pour rebooter leur intrigue et le public a toutes les peines du monde pour s’y consacrer à nouveau.

Face à cette séquence, on peut regretter que l’approche scientifique ou la recherche pure d’indices soient évacués, suggérés a posteriori dans une construction plus ou moins elliptique. Les scénaristes avaient la matière pour remplir leur épisode, dommage qu’ils se soient laissé aller à un retournement factice aux enjeux inexistants. Pour poursuivre le jeu des comparaisons, une série comme CSI est parvenue à rendre sexy n’importe quelle manipulation (pseudo)scientifique. Mise en scène, montage, musique, trinité au service de séquences bouche-trou. Il faut croire que les scénaristes n’aient pas cru en la pertinence de telles séquences pour meubler du temps d’antenne.

Sur le marché français du 52 minutes, Cellule Identité est loin d’être le pire exemple. Dommage qu’elle faut à cause de personnages figés dans des postures uniformes et une évolution dramatique discutable. Ces défauts corrigés, elle pourrait tutoyer le secteur américain et offrir une alternative nationale intéressante.

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