Without a Trace suit les enquêtes d’un département du FBI, basé à New-York, chargé de retrouver des personnes disparues.
Cette nouvelle production de Jerry Bruckheimer (à l’époque CSI, depuis CSI Miami, CSI NY, Cold Case et Eleventh Hour US) peut-être vue comme l’opposée de CSI. Bien que partageant certains éléments du cahier des charges (formula show, absence de développement de la vie privée des personnages principaux, élégance dans la réalisation), Without a Trace prend pour matière première l’être humain vivant.
Abolition du corps objet ou cadavre comme point de départ et source de travail. Le show joue à la reconstruction du temps, d’une matière évanescente comme trajectoire de fuite. Impalpable et intangible, Without a Trace prend source dans l’absence, la disparition. Mais d’une façon mécanique (production Bruckheimer oblige). Il s’agit de repérer l’anomalie, de l’extraire et de la délier, comme résoudre l’inconnue d’une équation pour en conserver sa balance. Tout comme CSI, il s’agit d’ordonner le présent.
Dès la fin du générique, une indication horaire agit comme une épée de Damoclès (au bout de 72 heures, les chances de retrouver vivante la victime sont quasi nulles) et précipite le show vers une course contre la monte. Tentative de rattraper le temps pour comprendre la victime et résoudre ainsi sa disparition, qu’elle soit volontaire (fugue) ou criminelle (enlèvement, voire meurtre). La série va emprunter la construction de The Killers d’après H. Hemingway, réalisé par Robert Siodmack. Alternance de séquences de recherche, de témoignages et de flash-back. Car chez Bruckheimer, l’image est toujours prédominante au verbe. Elle s’insère au cœur du discours, puis le remplace. Le show use alors d’un fondu enchaîné qui permet de lier le verbe à l’image, mais également de mettre en scène la disparition comme réminiscence ou persistance rétinienne. On visite les derniers lieux de la victime où sa présence est réduite à l’état de fantôme hantant, ectoplasme qui se dilue dans l’image.
La vie dans Without a Trace est souvent réduite à une ligne rouge sur un tableau blanc. Surmontée d’une photo de la victime, on reconstitue l’existence de cette dernière (en quelques heures à rebours) à coup de notation comme autant de greffes. Si dans CSI, le corps devient objet à sa mort, dans Without a Trace, c’est la vie que l’on transforme en objet. Puzzle gigantesque grandeur nature, que l’on façonne à coup de témoignage extérieure. Et c’est la plus grande différence entre les deux shows. CSI repose sur la rigueur scientifique, où seules les preuves comptent. Erigé en mantra cela donne : Evidence doesn’t lie (la preuve ne ment pas). Or dans Without a Trace, tout repose sur le facteur humain. La reconstitution des derniers jours de la victime repose sur le témoignage d’amis, famille ou spectateur. Mensonge volontaire, omission, erreur de perception/compréhension, les enquêteurs doivent composer avec une matière instable et imprévisible. CSI prône la réussite absolue aidée par une science toute puissante, Without a Trace s’ajuste à l’être humain et ses défaillances et ses doutes.
Without a Trace présente une figure principale et des personnages gravitant autour de celle-ci. Jack Malone partage quelques traits de caractère commun avec Gil Grissom : paternalisme, rejet de l’autorité supérieure, de la politique interne. Une différence les partage, Jack Malone ne présente pas une foi absolue dans son propre système et n’hésite pas à employer des méthodes personnelles à la limite de la légalité pour parvenir à un résultat. Malone, comme tout personnage de la galaxie Bruckheimer, place le travail avant la famille. Cette abnégation lui coûte son mariage (divorcé, deux filles, (ex)relation avec une collègue) et le place en vieux loup solitaire. Une attitude qui s’installera de plus en plus dans les dernières saisons, avec un soupçon de cynisme en prime (une trajectoire qui n’est pas sans rappeler Grissom). Pour donner corps à cet agent du FBI, Anthony LaPaglia (Murder One, seconde saison) offre une remarquable et solide prestation. Autour de lui, un casting impeccable complète le tableau : Eric Close (Dark Skies, Un agent très secret), Poppy Montgomery (Relativity, Glory Days), Enrique Murciano (Traffic), l’anglaise Marianne Jean-Baptiste (Secrets et mensonges) et par la suite Roselyn Sanchez (Rush Hour 2).
L’annonce de l’annulation de la série au terme de sa septième saison fut ressentie comme une surprise. La série affiche une légère baisse au fil des ans, mais se classe néanmoins au onzième rang dans le classement de la saison 2008/2009 avec une moyenne 12.32 millions de spectateurs (-2.2 par rapport à l’année dernière). Secoué par la crise, le network CBS a décidé de réaliser des économies, et le choix est tombé sur Without a Trace (la seconde était Cold Case). Si l’on se sort des chiffres, on peut néanmoins comprendre la décision de la chaîne. Au terme de la cinquième saison, le show n’avait déjà plus grand-chose de nouveau à proposer. La spécialisation entraîne, par défaut, un potentiel de renouvellement limité. L’annulation soudaine ne permit pas aux scénaristes d’organiser un vrai season finale. Et l’on s’imagine à penser que cette absence de fin correspond peut-être mieux à l’organisation des séries par Jerry Bruckheimer. De la même façon qu’elle a débuté, de la même façon qu’elle a été traité, Without a Trace reste ainsi suspendu dans le temps, œuvre sans début, ni fin. Enquête en cours d’un corps non retrouvé…
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