On peut se sentir par moment étouffer par la densité de la narration. Profusions de personnages, de situations, enchaînements brutaux et courtes séquences imposent un faux rythme. Les micros récits fourmillent, se superposent, se télescopent et parviennent parfois à perdre le spectateur en route. Avec pour seule branche à laquelle se rattraper, la musique. C’est sur elle que l’on pourra se reposer et se laisser entraîner. Quand le groupe commence à jouer, tout le monde se tait et écoute. Dans le brouhaha des storylines, la musique s’élève comme une seule voix et chante la Nouvelle Orléans. L’instrument comme outil de travail, mais également comme transmission d’un savoir culturel, du passé pour mieux réhabiliter le présent. Revenir à la Nouvelle Orléans, c’est retrouver la passion de jouer, la forme pure de la musique. Celle qui se partage dans une liesse générale. Dans la rue ou un bar quelconque. Au récit choral, s’ajoute une lecture musicale. Ponctuation et enjeux se partagent les rôles dans le récit.
Cette multiplication de storylines happe le spectateur. Ressentir le quartier, vivre à son rythme, se confronter à son existence par l’immersion. Ainsi, on ressentira l’étranger comme un envahisseur, une intrusion. Du tourisme humanitaire, Simon dresse un portrait peu flatteur. Malgré les bonnes intentions de ces âmes, se dégage l’impression d’une aide factice un peu forcée. Quand la Nouvelle Orléans devient une carte postale déchirée dont on essaie de recoller les morceaux. Connaissance théorique issue des brochures publicitaires, l’étranger devient cette bête curieuse dont on se moque ou que l’on arnaque gentiment. La fierté du natif, défendant avec des œillères sa culture et ses racines. Si la Nouvelle Orléans reste ce lieu mythique et cosmopolite, elle n’en est pas moins hermétique. Caractère renforcé par le sentiment d’abandon qu’elle a pu subir face à l’absence de réponses des autorités nationales.
Si la musique sonne comme une unité, la construction de l’épisode, morcelée, développe un aspect plus individuel. Ici, chaque histoire fonctionne en vase clos. Très peu d’interaction entre les personnages, les storylines restent figées, comme fixées sur l’individu. Ressort un caractère un peu étouffé et étouffant. Accentué par un montage qui privilégie l’instant au développement, l’épisode peine, par moment, à mettre en valeur ce qu’elle raconte. Traitement monocorde, intensité dramatique linéaire, la forme de la chronique handicape la dramaturgie. L’empathie fonctionne sur une note globale, mais au sein du personnage, la flamme reste faible et vacille. A l’inverse du pilot qui se passait essentiellement dans la rue, ce second épisode ouvre la porte des maisons. Mais il s’agit moins de pénétrer l’intimité que d’ouvrir aux problèmes personnels. Avec pour récurrence, la difficulté de trouver/gagner de l’argent.
Plus que le serie premiere, l’épisode marque les enjeux des personnages. Entre quête individuelle et mouvement global. Politique, quand il s’agit de s’attaquer aux écoles et la réhabilitation des programmes culturo-communautaire au détriment des sections manuelles, ou encore retrouver un détenu dont l’enregistrement s’est perdu avec l’ouragan ; personnel quand il faut trouver un travail, un gig ou un emprunt. L’intelligence de Simon se trouve dans cette façon de choisir des problèmes courants et universels, et de les inclure dans un contexte extraordinaire. Que la Nouvelle Orléans n’est pas ce chantier impossible. Mais une ville où la construction passe par des décisions, des choix sensés et raisonnables. De montrer une nouvelle fois que l’espoir n’est pas perdu, mais que tout ne repose pas entre les mains de ses habitants. Enfin, que tout le monde ne marche pas au même rythme. Il y a ceux qui se lèvent pour reconstruire la ville et les autres qui doivent avant tout lutter pour leur propre survie. Entre les deux, on retrouve quelques rêveurs, menant une vie de pseudo-bohême.
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