Gravity 01×01 : Suicide Dummies

Gravity 01×01 : Suicide Dummies

En 2008, la petite chaîne Starz se lançait dans l’univers impitoyable des séries avec Crash, adaptation du film éponyme (de 2004), puis Party Down (dont la seconde saison vient de débuter), création de Rob Thomas (Veronica Mars) sur des wanna be hollywoodiens reconvertis dans la restauration évènementielle. Cette année, débutait l’horrible Spartacus, Blood and Sand qui revisitait aussi bien le film de Kubrick que le Gladiator de Scott à la sauce numérique 300. Gravity s’ajoute à la liste des créations maisons et situe son pitch sur des personnes ayant tentées de se suicider.

En apparence, sujet grave donc, mais qui pourrait se tourner vers la satire cynique. Le pilot semble encore hésiter entre les tons. Grotesque ou touchant, l’épisode est capable d’illustrer avec beaucoup de retenue la dépression, comme verser dans le freak show le plus basique. D’offrir des moments de pure mélancolie et d’œuvrer dans le romantisme niais. Sorte de dualité qui s’inscrit jusque dans la réalisation, quand l’image cheap et dégueulasse de la vidéo et des effets spéciaux ringards s’opposent à des séquences à la mise en scène subtile, caressant le propos sans user de dialogues.

On peut résumer cette dichotomie avec les séquences encadrant le générique. Illustration de deux tentatives de suicide : Du premier, on ne retiendra pas trop les raisons, si ce n’est qu’elles se résument à la photo d’une femme. Trajet en voiture, montage alterné où l’on voit l’homme dire au revoir à sa mère et un couple gay stéréotypé. Le final se compose d’une voiture, d’une falaise, d’une chute et de la piscine d’un bateau de croisière. La séquence est molle, moche et le second degré aussi inefficace que grossier. On se dit, pour référant maison, que la série emprunte alors plus au Spartacus qu’à Party Down. La suite opère un complet volte-face. Une séquence tout en subtilité qui ira poser le désarroi, le besoins, la peur et le désespoir sur une jeune femme, sans mots, juste par la force de la composition des plans. Un traitement limpide qui contraste avec l’aspect primitif de la séquence précédente.

Après cette introduction, on ne sera pas surpris de ressentir du chaud et froid au cours de l’épisode. Au point d’introduire une forme de malaise. De donner à la série un caractère insaisissable. L’empathie fonctionne avec Lilly, clone d’Emily the Strange (Krysten Ritter, vue dans Breaking Bad), quand on la voit rongée par la solitude et le besoins d’affection, mais on ne ressentira rien face à son obsession post-suicide. Même impression avec les autres membres du groupe de soutien. L’illustration maladroite révèle leur mal-être, mais l’effet est trop grossier pour convaincre. Et l’on regrettera que la bande se limite à une succession de freak, comme si le suicide ne touchait pas les gens « normaux ». Seules les dernières images de l’épisode remettront les pieds sur terre (au sens propre comme au figuré) aux personnages/spectateurs. Rapport frontal à la mort, qui brouille encore un peu plus les pistes quant à l’orientation de la série.

Expérience pragmatique : A peser le pour et le contre, le bon et le mauvais, la balance pencherait vers le second côté. Aux problèmes exprimés plus haut, s’ajoutent encore des choix scénaristiques incompréhensibles, des dialogues lourds ou une réalisation passable au montage improbable. Pourtant, ce pilot exerce une sorte de fascination, dégage un mystère par sa faculté à ne pas jouer selon les règles. Gravity affiche une prétention duelle. Comme ses personnages, quelque part entre la vie et la mort. Comme ce beau générique avec ces lettres  s’élevant contre nature, libre, pour former un amas, trou noir qui rappellera l’illustration des idées sombres qui hantent chaque personnage.

Lire également:

  1. Defying Gravity 01×01 : Pilot