La saison des femmes ? On voyait se dessiner, depuis le milieu de l’année précédente, une montée insurrectionnelle de Sally, la fille des Draper. Bravant l’autorité de sa mère, comme un conflit de génération avant l’heure. Avec l’arrivée de Grand-père Eugene à la maison, la petite Sally trouve un allié, un mentor, artisan de son indépendance à venir. Au détour de conversations, il plante les graines de l’autonomie. Par les actes, Eugene fait d’elle un électron libre. La laissant tenir le volant de sa voiture, manger de la glace avant le repas. Comme pour saper l’autorité maternelle et forger un caractère que l’on sait déjà difficile (intelligente et têtue).
Eugene irresponsable ? Lui qui n’hésitera pas à accuser Betty de suicide lorsqu’elle souhaite allumer une cigarette. Lui qui organisera ses obsèques. Entre control freak et leste d’un poids trop important pour sa fille. On imaginait le vieil homme élément perturbateur du foyer Draper. A l’image de sa conversation avec le fils. Exploits de guerre très illustrés (trop pour un si jeune garçon) dont les cadeaux inappropriés feront lever Don de son fauteuil. Sa brutale disparition laissera Sally désemparée face à la mort. D’une petite fille qui ne comprend pas comment des adultes peuvent rire dans un moment pareil. Une scène remarquablement jouée par la jeune actrice. Colère et désarroi. Et la séquence de se conclure sur un plan magnifique, composition idéale de Sally au premier plan, allongée sur le sol, regardant la télévision, pendant que les adultes sont assis autour d’une table dans la cuisine. Deux mondes s’opposent. Mais l’un possède encore l’ascendant sur l’autre. Face aux images qui défilent devant le visage de la petite fille, on devine déjà quelques germes d’opposition se dessiner dans son esprit.
Peggy continue son évolution. Etape logique, l’acquisition d’un appartement à Manhattan. Et la quête d’une roommate. Nouveau conflit de génération quand il s’agit d’expliquer à une mère possessive qui ne voit pas le monde bouger, le besoins d’indépendance. Ambiance difficile, surtout quand on a une sœur compréhensive mais qui ne partage pas les besoins de sa cadette. « I am one of those girls ». Au détour de la scène, on voit l’importance que prend la télévision dans les foyers. Et chez Sterling Cooper. D’un ancien camarade d’université de Pete venu dilapider l’héritage paternel dans un colossal projet (remplacer le baseball par le Jai Alai) condamné d’avance en multidiffusant sur tous les networks les matchs en direct ; à la désillusion de Sal qui voit sa publicité pour Patio refusée par les clients. Un Sal qui aura de plus en plus de difficulté à maintenir l’illusion de son hétérosexualité à sa femme. De repousser ses avances à l’interprétation maniérée de sa publicité, on voit dans le regard de cette dernière la révélation prendre forme.
Dans l’ombre d’une pièce obscure, Don ouvre la boîte de son passé et regarde une vielle photo. Dans ces moments, le personnage est insondable. Incapable de savoir ce qu’il peut ressentir derrière les traits impassibles de son visage. Dans cet épisode, l’ombre a partagé l’écran avec la lumière. De trajectoires narratives évidentes, amorcées en amont, que l’on voit se construire sous nos yeux et dont certaines orientations à venir sont plus ou moins prévisibles. A l’opposé, Matt Weiner et son équipe maintiennent le spectateur dans le doute, l’interrogation permanente. Parfaite maîtrise entre révélations et suspense. Et place le spectateur dans cette position privilégiée, celle de pouvoir prédire, tout en étant surpris. A côté de multiples pistes réflexives sur cette époque et la nôtre, un tel procédé relève du petit miracle. On n’en attendait pas moins.
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