Mad Men a toujours interrogé notre rapport au temps. Période temporel et temps narratif. L’introduction de cette troisième saison joue sur deux bonds dans le temps. Sept ou huit mois après la fin de la saison deux (Betty, enceinte jusqu’aux yeux) et de fugaces visions du passé. De la conception à la naissance de Dick/Don. C’est à deux genèses que l’on assiste. Celle d’où vient Don, sous fond d’enfant illégitime, de promesses d’émasculation (symbolique freudienne) et de placement dans une nouvelle famille adoptive. Celle de l’enfant à venir, une fille d’après Betty (« Believe me, she knows what she wants »). Cette dernière citation en forme de promesse annonce les changements à venir dans la famille (peut-être) et dans la société.
Si le temps a toujours été une donnée malléable dans le show d’AMC, le changement est son principe fondateur. Thème vue de l’avenir et qui annonce notre société futur. Ces quelques mois d’ellipse permettent ainsi de mettre en place les mutations dans la vie des personnages comme dans leur environnement professionnel. Don et Pete semblent à nouveaux heureux dans leur vie conjugale. Mais chasser le naturel… Dans Mad Men, les mentalités évoluent, la situation change, mais les hommes restent les mêmes. Euphorique d’une promotion inattendue, Pete retombe dans ses travers d’ambitieux compulsif colérique et puéril (face à la bonhomie gentillette de Ken). Don profite d’un voyage d’affaire pour redevenir ce machiste homme à femme. A Sterling Cooper, les anglais ont investi le bureau. En seulement deux hommes, ils forcent au repli stratégique dans le bureau de Don. Situation symbolique que l’on retrouvera souvent au cours de cette saison. Choc des cultures, où chaque pays pointe les coutumes de l’autre. Intéressant de voir les américains dans une position défensive face à un envahisseur plus souvent habitué au contraire.
Evolution des mœurs. Peggy et Joan apparaissent peu, mais leurs séquences signifient beaucoup. La première (prototype de la femme moderne) voit son passé de secrétaire la rattraper quand elle n’obtient pas l’attention de son ex-collègue. Façon d’appuyer comment les mentalités changent lentement et qu’il ne s’agit pas uniquement des hommes. Impression que l’on retrouve chez Joan, qui, si elle affichait une autorité moderne de femme indépendante, adopte la préservation de la pensée actuelle (secrétaires dévouées, réprimées si elles présentent le moindre signe d’autonomie, où Peggy représenterait son échec personnel) quand elle n’attend qu’une seule chose : marier son médecin de fiancé et devenir madame de, afin de pouvoir quitter son travail (et devenir desperate housewife ?). C’est finalement chez Sal que l’on trouvera les germes d’une société en mouvement, quand il succombera aux plaisirs de la chair dans une séquence aussi abrupte que magnifique. Où une alerte incendie révèlera son homosexualité à Don. Conséquence : autre scène magnifique où Don mêlera travaux professionnels et conseil par le slogan « Limit your exposure ». A ce genre de détail, on remarque à quel point la série est bien écrite, toute en subtilité et classe folle.
Ce season premiere a enregistré un record d’audience pour le show de Matt Weiner. Et devant les pistes mis en place par cet épisode, on peut s’attendre, une nouvelle fois, à une très grande saison.
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