Cette saison semble appliquer un traitement à l’opposé des habitudes et de sa nature. Grey’s Anatomy a toujours été vu comme un soap, habillé en drama médical. Où les relations et romances du personnel du Seattle Grace intéressent davantage les scénaristes (et les spectateurs) que la pure pratique médicale. Habile attitude qui permet de se désolidariser d’un lourd et encombrant héritage en forme d’éternel comparant : Urgence.
Mais en cette rentrée, on assiste à un changement d’orientation. Vers une position plus mixte, qui, elle, se loge juste à côté d’Urgence. Cela se traduit par une façon de déjouer les attentes. Quand la chair à soap passe au travers, reléguée dans un coin du récit, loin des projecteurs. On avait déjà eu droit à un traitement identique avec la mort d’O’Malley. Ejection des scènes lacrymales par un traitement elliptique, jusqu’à la séquence de l’enterrement sacrifiée par un fou rire communicatif. Dans cet épisode, on attendait la réaction au départ d’Izzie (après son renvoie dans le précédent épisode). Or, il faudra composer avec un habile récit, composé de flash-back, sur la mort suspecte d’une patiente aux urgences.
L’idée avait tout du projet casse-gueule. Multiplication des points de vue, répétitions de scènes, dans le chaos généré par le flux des malades (un incendie). Tout le contraire se produit. Où la notion du regard (celui d’un personnage, comme celui du spectateur) est le sujet d’un développement, avec en point de mire, la faute d’un personnage. A chaque micro-récit, une information est donnée, une autre est contredite. Se gomme ainsi l’aspect péjoratif de la répétition, puisque l’on y trouve une nouvelle vérité. Ce jeu sur les apparences, la signification d’un geste ou d’une attitude, sur une présence ou non, alimenté par un savant usage du montage, donne à cet épisode un caractère unique et se classe parmi les plus belles réussites de la série. Parce qu’elle joue sur un procédé narratif très travaillé et ne s’appuie pas sur des séquences émotives générées de façon automatiques par une écriture « soapienne ».
On reste dans la continuité post-Invasion, avec les chamailleries entre équipes (les couleurs ont disparu), mésententes, pression, difficulté à travailler ensemble (connaître les gestes de l’autre). Et cet esprit imprime chaque récit donné par un personnage. Chaque évènement est teinté par la paranoïa, la suspicion, lié à l’épée de Damoclès planant au dessus des têtes. Un vrai travail sur l’atmosphère généré par la fusion, intégré au sein à la narration, jusque dans la nature même de cet épisode (dialogue final).
On retrouve une vraie maturité dans l’écriture. Chose dont on n’était guère habitué dans Grey’s Anatomy. Réalisation riche et fluide, qui joue à contre sens. Face au chaos qui règne, au ballet des médecins se succédant au chevet de la patiente, aux autres cas, Shonda Rhimes choisit au contraire un traitement aérien. Dichotomie intéressante qui permet à son épisode d’être plus digeste. Par un aspect formel qui s’estompe derrière son récit, pour mieux révéler la force qui s’en dégage. Une vraie proposition, loin des postures illustratives des précédents épisodes.
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