Quand J. J. Abrams effectuait la promotion de la première saison, il ne citait pas X-Files en influence première, mais Twilight Zone ou Outer Limits. A posteriori, on ne peut pas lui donner complètement tort, tant l’aspect conspiration de la série restait une denrée maigre et la pseudo-hard-science lorgnait plus vers la franche science-fiction que le fantastique d’X-Files. Aujourd’hui, alors que l’on approche de la première moitié de cette saison deux, l’argument ne tient plus vraiment. Fringe s’affiche comme la nouvelle X-Files, à tel point que certains scenarii semblent pompés sur la grande sœur.
Difficile, en effet, de ne pas voir en An Human Action (02×07) une régurgitation de Pusher (X-Files 03×17). Fringe allant jusqu’à exploiter l’évident face à face entre Peter et Broyles en écho à Mulder pointant son arme sur Scully (au moins, a-t-on évité Olivia). Ou de voir en Earthling (02×06) une variation de Soft Light (02×23) et de Space (01×09). Et dans l’épisode ici chroniqué, de penser aux autres vers de Ice (01×08), où X-Files nous rejouait la partition de The Thing. Les filiations sont évidentes. Un peu trop, d’ailleurs, pour être parfaitement honnête. Il semblerait qu’après avoir essuyé des critiques fougueuses, les scénaristes aient changé leur fusil d’épaule (comprendre, trouver une autre influence, X-Files, donc). D’un point de vue comptable, la série ne passionne toujours pas (6 millions de moyenne pour la période « automne »).
Fringe fonctionne sur un mauvais rythme. Démarche un peu bancal qui tente de courir plusieurs lièvres à la fois sans n’en attraper aucun. Quand elle approfondit sa mythologie, elle devient obscure, guère passionnante, un peu confuse (voir le 02×08 : August). Et semble incapable de gérer son potentiel. Dans ses loners (pratique maîtrisée par X-files), à une ou deux exceptions, les scénaristes sont incapables d’enflammer le récit. A croire que les enjeux moindres de ces épisodes, entraînent un désintérêt latent chez leurs auteurs. Sur tous les tableaux, le spectateur est perdant. Devant composer avec une belle enveloppe, mais une coquille vide.
Paradoxalement, la narration est dense. Jusqu’à se demander avec quoi les scénaristes la remplissent. Snakehead offre pour la première fois, une vraie rupture dans le récit. Un instant en suspend. Sans rapport direct avec l’intrigue. Et peut-être l’une des plus belles séquences de la série. Que cette séquence mette en scène Walter Bishop n’étonnera personne. Il justifie à lui seul l’intérêt de la série. Lui qui instaure une douce folie à un show qui se prend un peu trop au sérieux malgré des théories fantasques. Le ressort comique (qui n’en est pas un) de cet épisode tient dans le souhait de Walter de redevenir indépendant. Une volonté de s’assumer à nouveau, après des années passées dans un hôpital psychiatrique. Scénette délicieuse quand Walter fustige son fils d’avoir suivi le taxi dans lequel il se trouvait, alors qu’ils se rendaient tous les deux sur une scène de crime. Depuis le pilot, la balance des rapports est inversée. Peter incarnant la figure autoritaire, responsable et Walter l’enfant. Une relation intéressante, très mal traitée, surtout quand on connait les sombres histoires familiales et l’acte désespéré d’un père face à la mort de son fils.
La scène qui motive cet article joue sur les hantises des parents comme des enfants : celle de se perdre. Les scénaristes auraient pu tourner une telle séquence à la farce, mais l’orientation inverse leur permette un pur moment de désespoir, quand Walter se rend compte qu’il a utilisé toute sa monnaie (y compris celle du bus), à tenter de joindre Peter d’une cabine téléphonique. Ce moment exactement, où l’on voit ses solutions s’évanouir, où l’on a épuisé toutes ses chances, où l’on ne sait plus quoi faire. Ce moment de perdition, le réalisateur le capte avec un seul plan, quelques légers effets et beaucoup d’émotions. On ressent tout le désespoir de Walter (excellente interprétation de John Noble), l’abattement, les repères qui s’écroulent, l’accablement. L’esprit cartésien en panne, le scientifique qui ne parvient plus à résonner.
Indirectement, cette séquence aura également permis un joli face à face entre Walter et Astrid. Où le premier s’excuse auprès de la jeune femme pour l’avoir indirectement mise en danger. Dans ces deux séquences, on peut voir un Walter humain, plus proche de ce qu’il a pu être par le passé. Toujours déphasé par rapport à son époque, au monde qui l’entoure, mais un peu plus conscient de ses proches, qu’ils soient amis, famille ou collègues. Une facette intéressante d’un personnage qui possédait trop les tics du savant-fou, au point d’en parasiter la série. Déjà responsable du grain de folie, il incarne (bien mieux qu’Olivia) son versant sentimental. Les scénaristes multipliaient les scories dans la densité narrative, produisant du vide avec un sentiment de trop-plein. En une (voire deux) petite séquence, ils viennent d’en dire plus sur un personnage comme la série qu’en vingt neuf épisodes.
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