Bored to Death n’est pas l’adaptation du roman de Raymond Chandler. La série d’HBO lui emprunte son titre car il sert de point de départ et de look général (celui du roman noir). Quand un jeune écrivain new-yorkais en panne d’inspiration et fraîchement largué par sa copine aperçoit le livre de Chandler, il décide de s’improviser détective privée (sans licence).
Arraché au cinéma de Wes Anderson, Jason Schwartzman campe le personnage principal Jonathan Ames. Il emmène avec lui une ambiance typique, qui sent un peu trop la pose. Celle d’un cinéma indie/arty new-yorkais à l’humour post-Woody Allen. Les deux premiers épisodes souffrent un peu de la comparaison, à travers des situations ou tics d’écriture/interprétation. Le show parvient néanmoins à gommer rapidement ces automatismes et trouver son propre ton.
Cette voie passe par un doux surréalisme. Quand l’univers décrit semble le nôtre, mais qu’il se dégage un parfum étrange des situations, pour lui donner une teinte équivoque. Quand la réalité de la série ne s’embarrasse pas de contingences trop réelles, terre à terre. Associé à ce format de trente minutes, le résultat est dépaysant, parfois un peu hésitant, mais finit par emporter l’adhésion dans les derniers épisodes de la saison. Très vite, on se rendra compte que l’aspect « détective privé » n’intéresse pas trop Jonathan Ames (le créateur). Générateur d’intrigues rocambolesques ou improbables, les enquêtes de Jonathan (le personnage) servent à placer lui et ses deux principaux amis dans des situations excentriques. Certains pourront peut-être reprocher le systématisme de telles pratiques (le gimmick autour de la weed, devenu très tendance), mais force est d’admettre que le résultat procure l’effet escompté.
Dans ce New-York arty où s’invite Jim Jarmush en personne le temps d’un épisode, les trois hommes promènent leur spleen. Tragédie à l’échelle individuelle, microcosme des états d’âme de trentenaires et plus, problèmes de riches et de moins riches. Chacun y va de sa petite ou grande contrariété. Avec comme problème récurrent aux formes multiples : les femmes. Jonathan peine à se remettre de sa rupture, Ray (Zack Galifianakis) cherche à rendre son sperme utile et George (Ted Danson, hilarant) se confronte à la solitude des coups d’un soir (qui cache le classique amour pour son ex-femme). La série raconte l’immaturité des hommes en amour ou sur un plan plus professionnel (Jonathan jouant au détective privée, Ray en dessinateur de comics, Georges s’amusant littéralement avec son magazine). Qui trouve son point de mire dans les deux derniers épisodes de la saison, quand tout (ou presque) se réglera sur un ring de boxe (guère étonnant quand on connait le passé de Jonathan Ames (le créateur) dans ce sport). Bored to Death est une histoire d’hommes, une bromance. Quand la seule valeur sur laquelle on peut compter est l’amitié.
Certains seront rebutés par le ton, par la forme, par l’égocentrisme affiché du créateur (pour donner son propre nom au personnage principal). Une scission motivée par une singularité franche, que l’on retrouve plus facilement au cinéma qu’à la télévision. Bored to Death possède une identité à la fois bien marquée et devant beaucoup à des tics empruntés à d’autres. Pour autant, ces huit épisodes qui constituent la première saison offrent un dépaysement rafraichissant. Dans une rentrée aussi morose que celle 2009/2010, c’est une bouffée d’oxygène rassurante.
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