Après quatre épisodes, V s’affirme comme une série bien de son époque. Pas tant pour sa relecture du mythe à l’heure du président Obama (la couverture santé offert par les Visiteurs) ou pour son contexte post 9/11, mais pour l’accélération de sa narration, l’aspect condensé de son intrigue.
Aujourd’hui, tout est une question de vitesse de flux. De l’information à la culture, tout s’enchaîne, rien ne se poursuit. Diktat du retour sur investissement immédiat, on ne construit plus à long terme. Dans le monde des séries, cela s’articule par des annulations rapides si le show, au terme de quelques épisodes, ne trouve pas son public. Et par une évolution de la structure même des saisons. Où quand les impératifs commerciaux imposent ses règles au pôle créatif. Aujourd’hui, on peinerait à envisager qu’une série comme Lost remporte le même succès. Intrigue beaucoup trop lente selon les standards actuels. Mystère trop profond, obscure pour envisager fidéliser la masse. Les séries feuilletonnantes peinent à négocier le tournant en cette seconde moitié de décennie. Les formula show trouvent grâce auprès du public comme des networks. ABC est peut-être la seule à faire de la résistance, en lançant cette année deux séries feuilletonnantes, génératrices de buzz : V et FlashForward (pour des résultats décevants dans les deux cas).
Pour rappel, le pilot laissait déjà entrevoir cette accélération comme un mal en devenir :
On en viendrait à voir dans cette précipitation un sous entendu politique sur la nature de notre époque. Où le quotidien est constitué de micro-embrasements médiatiques à persistance faible. Où notre capacité d’attention, jugée très courte, oblige à renouveler sans cesse l’information au risque de perdre le public/client. Alors les auteurs déversent, sans valorisation, leurs évènements. Au risque de perdre toute consistance. Et de rater (pour ainsi dire) toutes annonces chocs (la sleeper cell, information primordiale puisque non-présente dans l’originale).
En conclusion, on espérait que l’évacuation expéditive des thèmes du pilot avait pour but de faire table rase du passé, mettre en place des éléments originaux afin de recréer une complète nouvelle mythologie (comme Battlestar Galactica). Souhait à demi-réalisé, quand on continue d’exploiter la fibre nostalgique, cohabitant avec une vision moderne des évènements.
Dans un cadre théorique, ces quatre épisodes de V produisent un pertinent discours sur l’actualité. Involontaire conséquence d’obligations contractuelles (et devenues inconscientes) liée à la production de séries. Associée à sa diffusion délicate (la longue pause hivernale pour cause de Jeux Olympiques d’Hiver), on retrouve un show qui tente de raconter beaucoup de choses en un laps de temps très court. Conséquence : un sentiment de confusion perpétuelle, un agencement hasardeux, une évolution qui s’agite mais ne programme rien, des personnages sans épaisseur, un intérêt qui avoisine le zéro absolue et l’impression de regarder un show incroyablement mal foutue. D’une série qui a des choses intéressantes à dire comme à exploiter, mais qui s’organise dans le désordre. Quand vitesse confond précipitation.
On voudrait pouvoir sauver quelque chose de ce magma informe. Mais l’unique information intéressante que l’on pourrait soutirer réside dans l’échec. Dans ce récit compressé à l’extrême, mais dont la forme trop facile, élémentaire ou paresseuse ne sort pas d’un schéma couru d’avance, sans personnalité. Aussi lisse et faux que le sourire hypocrite des Visiteurs. Victime d’une époque, où l’on imagine que seul l’aspect techno-pratique (effets spéciaux de qualité supérieure, moyens financiers plus importants) est capable de justifier l’entreprise. Si la révision thématique, réactualisée, offre un contexte comme terreau de réflexion, métaphore de notre société, le résultat reste très en deçà des possibilités, victime des (nouveaux) impératifs de gestion narrative.
Grand cas d’école que ces quatre épisodes. Opération mercantile menée avec brio, jusqu’à sa réalisation, mais au résultat comptable honorable (14ème au classement générale des audiences de cet automne, avec une moyenne de 10.9 millions de spectateurs). Sacrifiée par des obligations artificielles d’une norme qui tente le passage en force, le traitement express de la série aura nuit à sa bonne lecture. Quand The Vampire Diaries bénéficie de cette orientation (compensant ainsi un récit de nature assez pauvre), V perd tout son intérêt. Verdict final au mois de Mars, quand la série retrouvera l’antenne (avec quelle audience ?) et terminera sa saison.
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