Happy Town 01×01 : In This Home on Ice

Happy Town 01×01 : In This Home on Ice

Le nouveau Twin Peaks. Cette option choisie par ABC pour vendre Happy Town suscite plusieurs interrogations. La lourde comparaison ne va-t-elle pas desservir la série comme a pu le faire Lost pour FlashForward ? Pour beaucoup, Twin Peaks est ce monument de la télévision dont l’aura n’est pas sans rappeler celle du Prisonnier. Objet un peu intouchable, que l’on protège comme une sainte institution. Voir une série marcher sur les plates-bandes de son joyau personnel, c’est commettre une trahison, susciter le rejet ou provoquer une curiosité nourrie par des attentes inaccessibles. Un jeu dangereux. Enfin, une comparaison aussi frontale n’est pas sans créer un déséquilibre dans l’approche générale de la série. Quand tout ce que l’on voit est soumis au parallèle systématique. Et quand le référent est à la hauteur d’une œuvre comme Twin Peaks, on court à la défaveur généralisée. Cependant, il existe une idée intéressante derrière cette association. On peut voir dans l’évocation de Twin Peaks, la même volonté de déconstruire les codes du soap dans une petite ville américaine. La série de David Lynch reposait sur ce concept : utiliser l’imagerie du soap (réalisation, photo, musique, personnages, lieux/décors) et la perturber, la détourner pour l’amener sur les terres familières du réalisateur. Si Happy Town, a priori, ne dispose pas de la caution « auteur », sa dimension programmatique reste néanmoins perceptible dans ce pilot.

Le principal défaut de ce serie premiere, c’est de se plier à une sorte de convention qui se traduit par une compression scénaristique. Tenir en 45 minutes, la présentation des (nombreux) personnages, soumettre leurs motivations doubles, présenter le contexte (la ville), son fonctionnement théorique (l’usine à pain, la police, le restaurant principal), son passé, ses tragédies (lié forcément à l’actualité) et enfin, mettre en route l’intrigue principale. Trop de choses à traiter en peu de temps. Se dégage un sentiment de brouillon permanent, de traitement en surface, d’inconsistance globale et de manque de subtilité. Le trop, ennemie du bien. Comme la volonté de produire deux pistes narratives introductrices (le meurtre, la nouvelle venue). Quand une seule aurait permis une progression en douceur, une seconde agit comme un élément perturbateur et déséquilibre la narration. La série rate ainsi dans les grandes largeurs ses préliminaires. Reste une dimension théorique qui pâtit du déséquilibre de la narration, mais révèle un réel potentiel.

Comme Twin Peaks, Happy Town compose avec les stéréotypes. De la conception d’Haplin avec son usine qui surplombe la ville aux différents personnages qui l’habitent, on navigue dans du déjà-vu conceptuel (l’avenir le confirmera ou non). Tout l’intérêt repose sur le facteur manipulateur des auteurs à transgresser les codes, aller au-delà de l’antinomie et proposer un regard à mi-chemin entre la recréation théorique et le post-modernisme.

La principale réussite de ce pilot, c’est d’être parvenue sur un sentiment de vide paradoxal (à cause d’un trop-plein narratif) à créer une dimension alternative conjoncturelle. La suite nous indiquera quelle orientation auront choisi les créatifs, mais ce pilot demeure, malgré tous ses nombreux défauts, un bel objet théorique au potentiel très fort. A ce stade, Happy Town se trouve à un carrefour. Du chemin qu’elle prendra, on pourra déduire qui de Twin Peaks ou Harper’s Island (auquel le show peut faire penser), la série répondra.

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