Happy Town était le nouveau Twin Peaks, Rookie Blue le nouveau Grey’s Anatomy, Covert Affairs aurait pu être vendu comme le nouvel Alias. Une héroïne un peu glamour plongée dans le grand bain de l’espionnage via la CIA, le pitch rappelle celui de la célèbre série de J.J. Abrams. Lui, qui avait su ressusciter un genre tombé en désuétude depuis l’arrêt de Mission Impossible. Depuis Alias, Chuck dans une vaine comédie-geek ou Burn Notice et son côté démolisseur semi-parodique ont entrepris de dessaper la série d’espionnage. Comme une façon de montrer que le genre n’avait plus grand-chose à raconter de suffisamment novateur. En attendant la seconde relecture d’Abrams (Undercovers à la rentrée 2010/2011), Covert Affairs entend donner tort à ce raisonnement.
Effort louable, geste honorable, après tout, pourquoi pas ? Croyance indéfectible dans son pitch, la jeune prétendante que l’on embauche avant le terme de sa formation pour ses dons de langues. On butte sur l’aspect probabilité : personne ne parle de langues étrangères à la CIA ? Critique de l’hégémonie américaine et son aversion pour les autres dialectes ? Passons, après tout, ce ne sera pas la première série à nous vendre un concept élastique. Moins pardonnable, la première séquence : entretiens avec le psychologue de l’Agence sur les motivations de la demoiselle. Discours formaté, réponses pré-écrites, une écriture scolaire jusque dans ses moindres détails, vendue comme du premier degré. Vient ensuite le sujet sentimental et la déception amoureuse. Flash-back, la jeune femme et son bellâtre courent sur la plage, mangent des fruits exotiques, se dévorent des yeux autour d’un feu, dans une ambiance qui oscille entre le Club Med et les séquences de Jokari d’OSS 117. Incroyable, ces scènes ne proposent aucun pastiche, aucun sous-entendu, pas de post-modernisme de comptoir pour rattraper le tout, non, du sérieux et du premier degré. Les créatifs auraient voulu suicider la série en cinq minutes, ils ne s’y seraient pas pris autrement.
Après un démarrage aussi catastrophique, Covert Affairs doit ramer à contre-courant. Et pendant plus d’une (longue) heure. Mission impossible (sic), elle enchaîne les déconvenues (l’intrigue autour des boss), les relations frigides (son collègue/mentor, la famille) et une intrigue principale pas excitante. L’actrice principale nous sert son joli minois, maigre consolation pour la gente masculine, mais peine à convaincre dans les scènes d’action. Si elle incarne avec conviction la « petite chose fragile, mais pas trop », ce type de personnage, devenu aujourd’hui un archétype, plombe le résultat plus qu’il ne l’élève. La seule once d’ambition se trouve dans les dernières minutes, quand la série dévoile une partie de sa mythologie. Rendre plausible l’improbable du début, forme de « toutéliage » (©pErDUSA) navrant et à angle variable (on imagine déjà les multiples orientations, retournements de vestes, grandes révélations retorses, tout l’attirail de la petite série d’espionnage illustrée).
Avec ce pilot, Covert Affairs ne convainc pas grand monde. Et si l’habillage, dans l’ensemble, s’avère de bonne facture, le résultat plat et/ou consternant n’engage pas à découvrir davantage la série. Reste qu’en l’état actuel des choses, les possibilités d’évolution (révolution) sont encore importantes et peuvent (pour les plus endurcis) fournir quelques promesses d’amélioration. Sinon, il reste l’alternative de (re)voir Alias.
Lire également: