Que ce soit au cinéma, à la musique ou au genre qui nous intéresse, les séries, l’épithète 80’s est rarement synonyme de qualité ou de bon goût. Au cinéma, on repense aux fastes années Reagan et l’opulence caractérisée ((re)voir Rocky IV pour s’en convaincre, film symptomatique) ; pour la musique, c’est le synthétique à la mode et ses sonorités improbables qui refont surface aujourd’hui (l’horripilante Laroux, par exemple) ; et pour les séries, on hésite entre les motorisées (Supercopter, Tonnerre Mécanique, K2000) ou les shows d’action type Agence Tout Risque ou McGyver. Constat guère reluisant qui ne doit sa (possible) indulgence qu’à la fibre nostalgique de toute une génération. Pourquoi cette longue introduction pour une décennie que l’on préférerait oublier ? Parce que la nouvelle création de Matt Nix (Burn Notice) s’emploie à convoquer les (vieux) fantômes eighties. The Good Guys semble être tombé dans une faille spatio-temporelle pour ressortir aujourd’hui auréolé d’une généalogie encombrante, mais qu’elle assume parfaitement.
Déjà Burn Notice pouvait rappeler cette période des séries, avec son ton décontracté, le soleil de Miami, l’action, et l’unique prétention de proposer un programme fun, avec un soupçon de modernité dans le traitement ludique de l’espion. Une recette pas idiote, qui, si elle ne renouvèle rien, fait les joies de la chaîne USA Network. Matt Nix reproduit son concept avec The Good Guys (sur la Fox). Show anachronique qui rappelle les grandes heures des séries policières (mi 70’s/80’s), avec son duo antagoniste plongé dans des enquêtes improbables. Dynamique des buddy movies à la clé, pour un programme qui ne se prend jamais au sérieux, et qui se réclame d’une descendance ciblée. Comme un vieux produit tout juste rajeuni pour les besoins de l’époque, mais qui conserve toute sa sève, sa démesure, son humour. Pour un unique but : distraire.
Le mot est lâché. Pure distraction, The Good Guys s’évertue à ne jamais se la jouer sérieux. Dans une industrie toujours plus importante, mais de moins en moins prospère, on pourrait caractériser l’entreprise de Matt Nix d’opportunisme. A savoir définir un produit selon ses chances de réussite plus que sa valeur artistique. Pourtant, on trouverait plus d’audace dans The Good Guys que dans un Human Target, White Collar ou Burn Notice, voire The Mentalist (dans le genre série fun). Car si Nix reprend un savoir faire passéiste, sa façon de jouer avec les codes en les apposant sans recyclage apparent tendrait vers un post-modernisme ludico-commercial fascinant. Tout comme son jeu avec le récit, traitement de la narration en mode poupée-russe. Si parfois l’effet joue un peu contre la série, en rendant confuse une histoire a priori linéaire, le résultat reste un savoureux morceau de bravoure, ode à la comédie policière nourrie par un duo d’acteurs/personnages parfaits.
Plus que l’esthétique, la structure et nature des intrigues, la réalisation, ce sont bien les personnages qui permettent à la série d’emporter l’adhésion. Colin Hanks (fils de) en jeune flic idéaliste et carriériste, Bradley Whitford (The West Wing) en vieux briscard davantage porté sur la bouteille et les femmes que la noblesse de son métier (il doit son maintient à une vieille gloire), les deux hommes forment un duo dont l’alchimie est immédiate. Mention à l’immense Whitford, génial dans son rôle de policier odieux, macho et futurophobe, qui parvient, malgré tout, à rendre son personnage attachant.
Reconnaissons à Matt Nix un savoir faire indéniable, même si l’on ne songera jamais à lui en premier pour citer un créateur/auteur de séries. Pourtant, l’homme parvient à concevoir des objets un peu hors du temps. Ou d’un temps qu’il ramène d’outre tombe, et offre aux programmes ainsi déterrés, un patine, un lifting années 2000. Il trouve dans The Good Guys la matière à opérer le paroxysme de sa démarche. Une façon de dynamiter les années 80, les décomplexer face à une descendance artistique faiblarde (il existe toujours des exceptions) et jouer le jeu jusqu’au bout, quitte à frôler le mauvais goût (les coups de feu lors des indications). Personnalités sexy, course poursuite, fusillade, punchlines, bande son rock (Thunderstruck d’AC/DC), un cocktail en apparence désuet, voire périmé. En apparence seulement, car The Good Guys s’avère être une friandise estivale à consommer sans modération.
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Si l’esprit des années 80 est clairement présent, je m’étonne que tu ne parles pas du côté post-Tarantino très poussé de cet épisode (que ce soit dans les gunfights ou dans la chronologie très Pulp Fiction).
J’ai à vrai dire regardé ce pilote uniquement pour revoir Bradley Whitford.
Tu as raison, c’est effectivement un côté marquant de cet épisode. Je me méfie juste un de cette filiation concernant le reste de la saison ou si c’est juste le temps d’un épisode. Mais j’aurai pu (du) effectivement ajouter quelques mots.