Il y a cette très belle séquence entre JJ et son père. Ce dernier, que l’on avait l’habitude de voir planquer derrière son journal, habitude quotidienne visant à s’extraire du foyer familial, devient subitement proactif. La scène se déroule dans la chambre de l’adolescent. Cette pièce en forme de bulle personnelle, galaxie et voix lactée aux murs comme au plafond, poursuit la psychologie bien particulière du garçon, que les scénaristes ont trop souvent exploité sous la forme du freak show. Le monde de JJ est un refuge pour le jeune homme mal dans sa peau, aux crises de violence soudaine. La magie, une passion, devient le symbole d’une existence maîtrisée, quand JJ peut enfin contrôler sa destinée. Ses confessions nocturnes, façon journal de bord, renforce le sentiment d’extrême solitude. Bien qu’entouré de parents et d’amis, JJ reste solitaire, proche de l’autisme par cette façon d’exister à l’intérieur d’un fantasme et de se couper aux règles extérieurs.
Cette séquence confronte le garçon à son père (ou peut-être est-ce l’inverse). Celui qui avait laissé l’éducation à sa femme, celui dont la présence se résumait à une forme derrière un journal, celui qui n’avait pas d’avis, se livre à son fils. Scène très touchante, qui rompt avec l’habituel portrait des adultes dans la série. Skins jongles avec les types, démissionnaires, irresponsables ou dépassés. S’adonne au principe de la caricature. Mais cette dernière, lourde et sans nuance, prend trop souvent le pas sur le discours. Ne reste que la forme au détriment du fond. Dans une attitude puérile, qui vise la moquerie embarrassante. Pour une fois, l’adulte est présenté dans toute sa fragilité. Critique et respectueux, le portrait ne pose aucun jugement, constate, et laisse le personnage s’exprimer avec beaucoup de retenue. La confession du père de JJ offre une séquence magnifique aux spectateurs et permet de libérer les deux personnages. Comme un poids qu’on enlève. L’homme exprimant sa culpabilité, le garçon découvrant un père concerné et qui l’aime. L’amour, sous toutes ses formes, a toujours été au centre de la série, première génération comme seconde. Ici, et peut-être pour la première fois, c’est un amour filial que l’on découvre.
Ce ne sera pas le seul accomplissement de l’épisode. Mais il résume bien toute l’évolution du personnage. JJ entre dans le monde réel. Ses amis le traitent comme tel, il se découvre même une forme de responsabilité. En deux temps, d’abord au travail quand il s’adresse aux clientes âgées, et dans sa vie privée, quand il découvre que sa petite amie est déjà maman.
L’épisode devient très programmatique. Sentiment diffus depuis le début de la saison quand on sait cette dernière conclusion de cette génération. La transformation de JJ ne marche pas sur les sentiers de la réhabilitation ou rédemption comme le reste du groupe (exception de Thomas), mais sur une progression personnelle. Et les scénaristes ne se trompent pas dans les choix. JJ ne devient pas un rebelle, mais son acte le plus important, sera de rejeter la gouvernance médicamenteuse qui régissait sa vie jusqu’à maintenant. Cette soumission à la voie thérapeutique, qui avait pris la forme d’un médecin plus concerné par les robes de sa mère qu’une réelle thérapie. Ici, l’adolescent reproche au psychiatre l’absence de dialogue. Quand ses visites ne se résument qu’à un renouvellement d’ordonnance. Cette séquence qui condamne une frange de la pratique psychiatrique trouvera une forme de résolution dans la scène exprimée en début d’article entre JJ et son père.
L’épisode s’insère dans la saison entre deux chapitres sombres et intenses (04×05 : Freddie et 04×07 : Effy). Cette position délicate, voire inconfortable n’est jamais ressentie. On irait jusqu’à penser que cette construction exprime avec un esprit taquin, la volonté des scénaristes à jouer sur les a priori du spectateur. De voir en JJ un bouche trou, les auteurs déjouent les estimations et profitent pour délivrer ce personnage des erreurs d’écritures passées. Réussite à tout point de vue, quand JJ devient autrement plus constant que ce freak caricaturé, et l’épisode, sans verser dans l’euphorie béate, permet d’alléger un peu l’ambiance. Toutes les trajectoires ne sont pas graves. Mais leur importance n’est pas moindre.
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