En deux saisons, Skins est devenu le maître étalon de la série adolescente. Croquant les jeunes avec un souci de réalisme érigé en mantra (le show est coécrit par des adolescents), la série anglaise emprunte à Larry Clark son intransigeance quant à la captation d’une jeunesse, toute sauf dorée. Trash mais émouvant, la série a offert de magnifiques portraits. Au terme de la seconde serie, les auteurs ont décidé de changer 90% du casting, pour éviter la surenchère et parce qu’ils étaient un peu arrivés au bout de leur démarche avec ce groupe. Une décision osée, pari risqué, qui ne s’est pas avéré payant. La troisième serie et ses nouveaux personnages manquent leur cible. Intrigues maladroites, excessives et une construction maladroite, hésitante, qui n’aura pas réussi à renouveler la réussite précédente. Seconde (et dernière) serie avec ce groupe, on espère que le show retrouve sa grâce, sa perfection.
On débute cette rentrée avec un plan séquence ambitieux, qui suit ce qui constituera certainement un axe majeur de cette serie : le suicide d’une adolescente dans une boîte de nuit (bad trip). C’était la soirée de Thomas aux platines. L’épisode portera son nom.
Pour un serie premiere, les auteurs décident d’isoler au maximum son personnage-titre. Choix étonnant, mais qui rassure sur les intentions. On pouvait regretter l’an passé, un léger changement dans la narration, qui voyait finalement le groupe comme une entité au détriment de ses parties. De remarquer, finalement, que les personnages avaient bien du mal à exister indépendamment des autres. La suite nous donnera (ou non) raison, mais le choix de Thomas, dans cet optique, devient évident. Le jeune immigré demeure le personnage le plus mâture du groupe. Egalement celui au contexte personnel le plus chargé. Sa mère, son frère et sa sœur l’ont rejoint. Et l’on assiste au portrait de cette famille, son fonctionnement, ses principes.
On retrouve, pendant ces quarante minutes, ce qui faisait la qualité (écriture/réalisation) des deux premières series. La caméra caresse le personnage, épouse sa solitude quand il s’agit de l’isoler du groupe. Elle capte son regard désabusé, rempli d’incompréhension. Un motif qui sera répété dans cet épisode. La tragédie de la séquence d’ouverture hante le jeune garçon. Thomas est peut-être le seul personnage à prendre en compte les conséquences de ses actions. Nourri de la religion chrétienne, il devient presque naturel de le voir porter le poids de la culpabilité sur ses épaules. La religion tiendra une place importante. Tentative d’embrigadement spirituel (le père de la paroisse), qui masque à peine un souci de communautarisme évident. Etiré entre sa culture et l’amour qu’il porte à Pandora, la scission entraîne le personnage dans une spirale autodestructrice qui le conduira vers la fille du pasteur et la trahison de son couple.
L’épisode pose les questions de la responsabilité. Envers les siens (sa famille comme ses amis ou sa culture), envers la loi (raconter la vérité à la police), envers soi-même. Dans une ambiance plus douce que les travaux brutaux de Larry Clark. Ici, la culpabilité suffit à souligner l’extrême souffrance d’un adolescent que la vie a rendu déjà adulte (c’est lui l’homme de la famille, il fournira l’argent à un environnement salubre). Mais il possède encore les réflexes impulsifs de son âge et ne trouvera pas la force psychologique pour résoudre ses problèmes.
Avec ce premier épisode, les scénaristes appliquent un traitement plus posé que l’année précédente, avec des enjeux autrement plus adultes que les triangles (ou carrés) amoureux. Le choix de Thomas n’est, bien sûr, pas étranger à cette orientation. Ne reste plus qu’à espérer qu’il donne le ton et le rythme de cette année.
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