Skins, Serie 04 Episode 02 : Emily

Skins, Serie 04 Episode 02 : Emily

Avec cet épisode, on synthétise les qualités de la première génération avec les défauts de seconde. A savoir une capacité impressionnante pour cerner le désarroi adolescent avec beaucoup de finesse et une propension à œuvrer parfois dans un registre excessif. Victime de cet entredeux : Emily.

C’était prévisible : les images introductrices de cette saison reviennent hanter l’épisode. Mais ce que l’on n’imaginait pas, c’est les proportions du rapport, la nature de la tragédie. De façon surprenante, les scénaristes décident de boucler (?) l’arc introduit. Des conséquences indirectes risquent encore d’alimenter quelques storylines ou réactions, mais la nature du drame est révélée et nourrit la matière première de l’épisode.

Si Thomas pouvait être vu comme le membre le plus mâture du groupe, Emily serait la plus à fleur de peau. Celle qui a toujours vécu dans l’ombre de sa sœur jumelle jusqu’à révéler son homosexualité et imposer ainsi sa personnalité. En conflit avec une mère qui ne veut pas comprendre l’orientation sexuelle de sa fille, sa relation avec Naomi a souffert d’incertitudes, de doutes, de peurs jusqu’à prendre aujourd’hui, une allure proche de la perfection. Au point de mettre en place un départ pour Mexico pour l’année prochaine. Dans l’intimité du couple, la série va capter cette douceur irréelle que constitue l’amour adolescent. Pas moins vrai ou faux que sa version adulte, mais elle possède ce caractère ultime qui le place en dehors du monde (adulte, des responsabilités), tout en le constituant (le monde se résume à l’être aimé). On imagine cet amour durer toute la vie, dans une forme de poésie naïve mais sincère. Où la force des sentiments est si intense, que toute chute peut porter de lourdes conséquences.

Des thèmes déjà traités auparavant occupent la place centrale de l’épisode. Sans sentiment de redite, rechargé par de nouvelles personnalités, de nouvelles situations, les scénaristes parviennent à construire une tragédie teenage au propos intense et juste. La quête d’Emily pour découvrir la vérité autour de l’adolescente suicidée peut sembler artificiel (surtout quand elle s’accompagne de moments un peu grotesques, cf. la séquence du placard dans l’école de l’armée), mais elle permet de révéler au personnage le poids des responsabilités et la fragilité de l’amour. Sa cruauté également, quand elle se traduit par le rejet et l’obsession. Pour l’illustrer, une magnifique petite séquence animée au style épuré, soulignée par la voix off de Sophia, qui raconte sa relation éphémère, la naissance du désir, et la désillusion puis le désespoir de la rupture, du désintérêt, de l’ignorance. En quelques petites minutes, on revit tout le drame d’une existence à l’échelle adolescente. Et la série de renouer avec ses plus belles séquences.

Dans la séquence décrite au-dessus, la force vient de la confrontation des mots et de l’image. Quand le montage alterne plan de l’animation, du visage d’Emily et la réaction de Naomi, au rythme de l’histoire de Sophia, on atteint un rare degré paroxystique. On en retrouve un, peu de temps après, avec un autre dispositif déjà employé dans la série (avec beaucoup de réussite). Portée par la musique de Dinosaur Jr (Said the People), sans le moindre dialogue, par la seule force de la musique et la réalisation, qui rappelle les séquences magnifiques au son de Crystal Castles (Alice Practice) et Sigur Ros (Untilted #4). On félicite autant sur le choix des artistes/chansons, que l’application donnée à mettre en image cette bande son. C’est relever l’art du clip illustratif à un tout autre niveau, chargé par l’intensité émotionnelle de l’épisode et des personnages.

Certains détails viennent entacher la réussite de cet épisode. Quelques tics de réalisation dispensables, certaines facilités scénaristiques, de petites scènes inutiles, mais on peut facilement reléguer ces ratés en arrière plan, pour ne garder que l’essentiel. Un magnifique portrait de l’amour adolescent. Franc, brutal, salvateur, addictif, cocktail explosif aux conséquences dramatiques. Skins fait du teenage le centre du monde, et avec lui, l’intensité de ses sentiments comme principal moteur. Et ainsi, retrouver la grâce d’une première génération aux enjeux dignes d’une grande tragédie.

Lire également:

  1. Skins Serie 04 Episode 04 : Katie
  2. Skins, Serie 04 Episode 01 : Thomas
  3. Skins Serie 04 Episode 05 : Freddie
  4. Skins Serie 04 Episode 06 : JJ
  5. Skins Serie 04 Episode 03 : Cook