Dexter est peut-être une des séries actuelles à prendre la notion d’évolution de son personnage titre aussi sérieusement. Si l’on se réfère aux premiers épisodes, le chemin parcouru saute aux yeux. Pas du point de vue du sociopathe, mais celui de monsieur-tout-le-monde. Les débuts de sa relation avec Rita. Le non-attachement, la crainte du contact physique, le rejet de toute consommation charnelle. La progression est importante quand on regarde la situation actuelle : marié, père de trois enfants (dont un de lui), vivant dans une charmante maison dans un quartier résidentielle. La série a mis en scène de grands bouleversements dans la vie du serial killer. La découverte de ses origines, l’existence d’un frère (Icetruck Killer), la vérité au sujet de son père adoptif (le rejet de sa création), l’attention numéro un d’une enquête (Bay Harbor Bucher) et enfin la notion d’héritage, de transmission avec le personnage de Miguel Prado. Autant d’éléments qui constituent l’évolution logique d’un personnage. Pour le spectateur assidu, c’est un véritable plaisir de subir cette écriture intelligente. Jamais condamné au surplace, toujours en mouvement, crescendo. Mais parfois, on ressent ce petit élan nostalgique. Celui des débuts, où la série reposait aussi bien sur un caractère routinier (avec la victime de la semaine de Dexter) et celui feuilletonnant du serial killer de la saison.
De vacances, il ne s’agira pas d’un road trip. Ou plutôt si, mais pour Rita et les enfants. De vacances, il s’agit du masque de l’homme social, mari et père. Retour aux débuts. Quand les occupations de Dexter, après (ou pendant) le travail consistait à traquer sa future victime. Connaître ses habitudes, révéler sa culpabilité. Seulement les scénaristes ne décident pas de faire machine arrière gratuitement. Ils inscrivent cet état dans l’actualité du sociopathe, dans sa propre progression.
On donne à Dexter un adversaire de taille : Une femme flic qui a tué toute sa famille. Douée et forte, les confrontations seront physiques et intenses. Le jeu du chat et de la sourie, où tour à tour, chacun incarnera un animal différent. On retrouve ainsi la tension des premiers épisodes, uniquement chargée par la traque. Un retour à la simplicité, magnifié par la création d’un personnage complexe qui servira de miroir à Dexter. A ce niveau se situe toute la richesse de l’écriture. Mélanger les genres, les affectes, les situations. Et faire d’un évènement anodin (ou presque), l’acte révélateur. Auparavant, il y aura le chemin du doute à emprunter, mais la conclusion sera à la hauteur. Le déroulement de cette intrigue est exemplaire (quoiqu’un peu courte). Des doutes sur l’étouffement familiale évoqués par Zoey, face à un Dexter intransigeant, jusqu’à la révélation finale, épiphanique. Où la frontière qui sépare l’homme du monstre s’atténue davantage. Dexter tient à sa famille, a besoin de celle-ci et ressent comme un vide du à son éloignement. Cette information lui parvient alors qu’il entame son exécution, et lui procure un shoot euphorique supérieur à celui de tuer. Une vraie révolution du personnage.
On aurait pu se contenter de cette information unique, mais les auteurs en ont décidé autrement. Cela commence par la rencontre fortuite (et insoupçonné) de Lundy et du Trinity Killer. Echange de regard, compréhension mutuelle et tacite. Une séquence forte, bien orchestrée, qui amène la tragique séquence finale. Cette dernière souffre d’une réalisation un peu rigide, mais l’expression sur le visage de l’ex-agent du FBI suffit à palier aux carences. Le dernier plan, magnifique, souligne à lui seul, la force naturelle de la scène.
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